Les paroles d’un homme politique

23 mars 2006

Il a suffi de sa dernière rencontre avec les Guadeloupéens, puis les Martiniquais, fermement décidés à ne pas s’en laisser conter, pour qu’il change brusquement de ton et d’avis, du moins en ce qui concerne la politique qu’il promet de mener dans leurs pays.
Il n’y a pas si longtemps, il tonnait encore contre la repentance, comme s’il ne voulait surtout pas qu’on revienne sur les crimes commis par l’armée française dans les anciennes colonies. Car pour lui, abroger la loi du 23 février 2005 en son article 4 sur "le rôle positif de la présence française outre-mer", entendez : sur "le rôle positif de la colonisation française outre-mer", aurait été "engager la France dans une repentance généralisée qui n’a pas lieu d’être".
Puis ce fut le tollé aux Antilles, entraînant le revirement spectaculaire du président de la République. Lequel, il ne faut pas l’oublier, n’avait pas levé le petit doigt au moment où la loi était passée devant les 2 Chambres, et qu’il l’avait promulguée sans sourciller. Alors le ministre rentre ses griffes, devient plus patelin et promet là-bas de "poser les bases d’une nouvelle politique pour l’Outre-mer français, qui soit moins qu’avant fondée sur l’assistanat et plus qu’avant sur la possibilité de créer des richesses, de porter une croissance, de viser l’excellence". Il reconnaît, bon prince, "l’erreur d’appréciation" sur la colonisation, "tranchée, selon lui, avec hauteur de vue par le président de la République" et, la main sur le cœur, les trémolos dans la voix, s’écrie : "Dans mon esprit, l’esclavagisme est une infamie", pour annoncer, devant des conseillers régionaux médusés, qui n’en croient pas leurs oreilles : "L’esclavagisme et la colonisation se sont ici longtemps confondus. On ne peut séparer les deux".
Au risque de jeter le trouble parmi ses propres partisans, chez ceux-là mêmes qui sont le plus accrochés au statut départemental comme à un fromage, le voilà qui se proclame le chantre d’une "nouvelle politique pour l’Outre-mer", allant se montrer encore plus précis dans le détail : "Il faut une politique pour chaque département, chaque territoire", annonce-t-il en martelant ses mots. Et, à tous ceux qui se disent viscéralement attachés à la nation française au point de nier l’idée même de peuple, il lance à faire grincer les dents : "On ne peut pas faire le reproche aux Guadeloupéens d’avoir de la mémoire. Un peuple qui a une mémoire est un peuple qui a un avenir". Pour cette fois, nous ne serons tous d’accord avec lui, mais à une condition, à définir clairement avec les intéressés, de laisser les peuples d’Outre-mer construire eux-mêmes leur propre avenir !

Georges Benne


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