Les vieux de Jacques Brel

16 octobre 2003

À 20 ans, étudiant à Arles-Marseille, j’étais marqué par Edith Piaf. Sa mort en 1963, à l’âge de 48 ans (1915-1963), m’avait très peiné. Sa présence sur scène sa voix ses chansons poignantes, ainsi que sa vie tumultueuse, la rendirent très populaire.
Quelques années plus tard, le 9 octobre 1978, ma peine fut doublée par la disparition de Jacques Brel, à l’âge de 48 ans (1929-1978). Parolier et compositeur, il se rendit célèbre pour la qualité de ses textes : poétiques, passionnés ou satiriques. Morts tous les deux à 48 ans, je suis heureux de constater que le souvenir de ces deux monstres de la chanson ne s’efface pas. J’ai eu le plaisir d’entendre le 4 octobre 2003, sur RFO, l’émission de divertissement de Michel Drucker consacrée à Jacques Brel.
Son œuvre et son talent restent présents dans l’esprit de tous ceux qui ont eu la chance de l’applaudir sur scène, mais aussi un modèle pour de nouvelles générations de publics et d’artistes. Sur la scène de sa vie. Frénétique tourbillon à mille temps, Jacques Brel nous exporte au voyage lors d’un parcours qui nous mène à la sève-même de ses textes.
Toujours en partance, Jacques Brel se lève, vibre et vit au rythme de l’aventure (des aventures) de la Vie. Alors, à la poursuite de ses rêves, il a quitté l’Europe, en 1974, pour la Polynésie, à bord de son voilier et s’est installé à Hiva Hoa, une île des Marquises. Atteint d’un cancer, il est revenu à Paris, pour y mourir le 9 octobre 1978. Un dernier voyage a ramené son corps à Hiva Hoa, où il repose désormais auprès du peintre Paul Gauguin...
Jacques Brel a écrit plus de 200 chansons. Il a rendu hommage aux vieux. A l’occasion de ce "mois bleu" des personnes âgées, voici le texte de sa chanson : "Les Vieux"
Les vieux ne parlent plus ou seulement parfois du bout des yeux
Mêmes riches, ils sont pauvres, ils n’ont plus d’illusions et n’ont qu’un cœur pour deux
Chez eux ça sent le thym, le propre, la lavande et le verbe d’antan
Que l’on vive à Paris on vit tous en province quand on vit trop longtemps
Est-ce d’avoir trop ri que leur voix se lézarde quand ils parlent d’hier
Et d’avoir trop pleuré que des larmes encore perlent aux paupières
Et s’ils tremblent un peu n’est-ce de voir vieillir le pendule d’argent
Qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui dit : je vous attends
Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s’ensommeillent, leurs pianos sont fermés
Le petit chat est mort, le truscat du dimanche ne les fait plus chanter
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil et puis du lit au lit
Et s’ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide
C’est pour suivre au soleil l’enterrement d’un plus vieux, l’enterrement d’une plus laide
Et le temps d’un sanglot, oublier toute une heure la pendule d’argent
Qui ronronne au salon qui dit oui qui dit non, et puis qui les attend
Les vieux ne meurent pas, ils s’endorment un jour et dorment trop longtemps
Ils se tiennent la main, ils ont peur de se perdre et se perdent pourtant
Et l’autre reste là, le meilleur ou le pire, le doux ou le sévère
Cela n’importe pas, celui des deux qui reste se retrouve en enfer
Vous le verrez peut-être, vous la verrez parfois, en pluie et en chagrin
Traverser le présent s’accusant déjà de n’être pas plus loin
Et fuir devant vous une dernière fois la pendule d’argent.

G.R.A.H.TER


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Messages

  • C’est pas le truscat du dimanche qui les fait plus chanter, mais plutot le muscat !!!


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