Migrer n’est pas un crime !

27 mars 2023, par Christophe Estève

Que nous est-il arrivé en 50 ans ?

À l’égard des boat-people d’aujourd’hui, qui traversent la Méditerranée après avoir fui la guerre en Syrie ou au Sud-Soudan dans des conditions souvent dramatiques, des Sri-Lankais, des Malgaches qui bravent l’océan Indien pour fuir la répression et la misère, à l’égard des personnes déplacées de force à cause des catastrophes liées au changement climatique telles que des inondations, des tempêtes, des incendies ou des températures extrêmes, nous n’avons plus d’empathie.

En proposant une loi qui stigmatise les migrant.e.s, qui les classe en “bon.ne.s” et “mauvais.e.s migrant.e.s”, en facilitant l’extinction de leurs droits, la future loi asile et immigration n’a pour autre objectif que de séduire une extrême droite ayant pour seul credo la discrimination envers ces femmes, ces hommes et ces enfants se trouvant déjà dans une situation précaire, après avoir vécu l’enfer.

Malgré la ratification par la France de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en 1990, les droits des enfants migrants restent bafoués.

Photo Françoise Briand

Qu’est devenue la France, pays des droits de l’homme ?

Il y a plus de 50 ans, Valéry Giscard D’Estaing recevait la médaille Nansen pour « services exceptionnels rendus à la cause des réfugiés » (1979). Aujourd’hui, la France est classée au 3e rang mondial par le nombre d’enfants non accompagnés en détention, la France c’est aussi 9 condamnations par la Cour européenne des droits de l’Homme en matière de rétention d’enfants mineurs.

Le projet de Gérald Darmanin n’interdit la rétention que pour les mineurs de moins de 16 ans, tandis qu’elle est autorisée pour les mineurs de 16 à 18 ans. Le placement d’un mineur au sein de locaux de rétention administrative ou en zone d’at tente sera toujours autorisé. Enfin, l’interdiction de placement en centre de rétention administrative ne s’applique pas à Mayotte qui détient le triste score de 3135 enfants enfermés en 2021. Pourquoi ?

En introduisant la mention “métier sous tension” pour obtenir une carte de séjour temporaire, le projet de loi nous replonge dans les pages de l’histoire coloniale française et européenne. En effet, à l’abolition de l’esclavage, pour combler le manque de main d’œuvre bon marché, les empires coloniaux européens ont fait appel à des engagés étrangers. Par cette mesure, le gouvernement prétend améliorer l’intégration des étrangers mais dans quelles conditions ? Les cartes de séjour temporaires, les cartes de séjour pluriannuelles (délivrées sur présentation d’un diplôme justifiant du niveau minimal de français) et les cartes de résidents (toujours plus rares et plus difficiles à obtenir), vont plonger les étrangers dans un avenir insécurisé et anxiogène, dépendant de l’accessibilité à ces fameux métiers en tension et à la discrétion de l’administration et non de plein droit.

Le projet de loi Darmanin, qu’il soit d’un bloc ou morcelé, c’est l’indignité, c’est la marchandisation des humains, l’insécurisation du quotidien, la criminalisation de l’étranger irrégulier et le retour aux pratiques post-coloniales.

En ces temps où le pouvoir s’éloigne toujours plus des citoyens, il est bon de rappeler nos valeurs humanistes.

Migrer n’est pas un délit, migrer est un droit et souvent une question de survie.

Christophe Estève
Pour place publique Réunion

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