
Mon avenir est brisé
6 juillet 2006

C’est dans une situation de détresse morale et sociale que je vous écris aujourd’hui. Ayant réussi en 2004 le concours externe de Conseiller Principal d’Éducation, le jury académique a décidé le 7 juin 2006 de mon licenciement de l’Éducation Nationale. Si j’estimais cette décision justifiée et méritée jamais je ne me serais plaint, mais au contraire, je vais me battre pour la faire annuler. Même si cette année 2005-2006 était ma seconde année de stage, on ne doit pas me sanctionner pour avoir redoublé.
Le Rectorat m’a affecté à la rentrée d’août 2005 au collège Jean Lafosse du Gol à Saint-Louis, établissement où je me suis retrouvé sans Conseiller Pédagogique pendant trois semaines, c’est un assistant d’éducation qui a bien voulu me faire visiter le collège et m’expliquer son fonctionnement. Malgré cela je me suis investi dans mon travail et j’ai géré toutes les situations qui se présentaient à moi dans un établissement difficile. Les rapports de visites des formateurs IUFM sont une des preuves que je ne suis pas un tire au flanc. Au mois de décembre, on m’a demandé d’être présent au collège plus de jours, alors qu’un stagiaire CPE doit 14 heures, je travaille depuis décembre sur la base du volontariat et sans rémunération supplémentaire trois jours entiers en établissement et me rend au cours de l’IUFM les mercredis et vendredis. Au mois de mars, on m’a demandé de faire un stage qualifié de “déterminant” dans le rapport IUFM au Lycée de Vincendo pendant trois semaines. À l’issue de ce stage, le chef d’établissement et mon Conseiller Pédagogique temporaire m’ont confié que pour eux, ils ont eu affaire à un second CPE à part entière et le rapport qu’ils ont établi allait dans ce sens. Alors je m’interroge aujourd’hui sur le sens du mot “déterminant”. Tout ce que j’avance ici sont dans des documents officiels qui font partie de mon dossier au Rectorat.
Les rapports de l’IUFM mettent également en avant le fait que je n’ai pas pu tout faire pour coller au référentiel CPE avec ce commentaire "... Cela est la conséquence des spécificités de l’établissement qui nécessitent que le CPE soit plus en train de gérer l’urgence que de travailler sur le long terme." C’est vrai que j’ai encore quelques points à maîtriser dans mon métier mais qui n’en a pas ? Est-on censé tout savoir à l’issue de la deuxième année ?
Des pratiques contestables
Il est fait mention plus haut de "spécificités", ma question est la suivante : Est-ce que les autres stagiaires devaient faire également face à des "spécificités" ? Non seulement c’est un établissement réputé difficile (cependant on peut prendre cette situation comme un défi à relever) mais j’ai été confronté à certaines pratiques que personnellement je trouve plus que contestables. Le problème est qu’en ma qualité de stagiaire, de personnel en attente de titularisation, je n’ai pas eu le courage d’en parler et aujourd’hui j’en paie le prix fort. D’autres personnels sûrement pensent comme moi et ont la même peur que j’avais et je les comprends. Il faut aussi savoir qu’au mois de novembre 2005 lorsque l’enseignant s’est fait agresser, c’est moi qui ai ceinturé l’élève en classe pour l’empêcher de frapper le professeur. De plus je vous passe mes interventions avec l’équipe Vie Scolaire pour empêcher les bagarres à l’intérieur et même à l’extérieur de l’établissement.
On va peut-être porter plainte contre moi pour diffamation, mais ce serait tellement plus simple si on n’a rien à se reprocher de demander une réelle enquête sans trouver d’excuses à ces pratiques.
Plusieurs CPE ne se sont pas gênés depuis l’année dernière pour me critiquer, pour me faire une réputation de quelqu’un de nonchalant, de mou, en manque d’énergie. Dommage que vous ne puissiez pas avoir accès à mon dossier médical et voir les ravages qu’a fait cette saleté de chikungunya sur mon organisme. Pouvoir à peine marcher, traîner d’une jambe, avoir mal au dos, ne pas pouvoir parfois ouvrir un bocal, avoir du mal à monter les escaliers, aller de spécialiste en spécialiste : c’était mon quotidien pendant de nombreux mois comme beaucoup de Réunionnais et tout le monde sait que c’est une maladie difficile à supporter physiquement mais aussi moralement. Pourtant je n’ai pris aucun congé maladie, j’ai continué à travailler. Alors que n’importe qui pouvait remarquer que j’avais du mal à marcher, que je traînais une jambe, certaines personnes m’ont descendu, m’ont critiqué auprès des plus hautes instances sur mon aspect "mou" comme ils disent. J’habite à la Rivière Saint-Louis, pour aller en cours à l’IUFM les mercredis et vendredis à 9h je quittais mon domicile vers 5H30 pour être sûr d’avoir une place de parking pas trop éloignée sinon c’était un effort presque insupportable pour arriver jusqu’aux salles de cours. Le midi j’étais obligé d’aller dans ma voiture pour rabattre le siège et m’allonger un peu parce que ça me faisait si mal que je ne pouvais plus rester assis ou debout, j’en profitais pour prendre de la codéine qui soulageait un peu les douleurs. Au lieu de prendre en compte ma situation, on a préféré me critiquer parce que je ne déjeunais pas avec mes collègues le midi et parce que je ne suis pas parti à Mayotte avec le groupe. Encore une fois mon dossier médical est disponible chez mon médecin traitant pour une quelconque enquête.
Des efforts anéantis
Après inspection le mardi 6 juin, on a proposé au Ministre de l’Éducation Nationale de me licencier, un entretien avec la Directrice de Cabinet du Recteur le mardi 27 juin m’a confirmé que cette décision était irréversible au niveau local et qu’il faudra si je souhaite la contester aller devant les tribunaux. J’ai 28 ans, je travaille depuis mes vingt ans tout en menant mes études. Comme beaucoup de jeunes créoles, l’école a toujours représenté pour moi un moyen de m’en sortir, de prouver qu’il n’y a pas d’hérédité sociale. Surveillant d’externat au Lycée Antoine Roussin jusqu’en 2004 et étudiant à Saint-Denis, je prenais deux fois par semaine un taxi au Moufia à 4h30 et ensuite le Car Jaune à 4h50 pour aller travailler. J’ai fait des sacrifices pour me faire une situation professionnelle, j’ai travaillé pour réussir le concours, la première fois où je l’ai passé, j’ai été admissible mais recalé à l’oral. J’ai persévéré et je l’ai réussi en 2004, mais aujourd’hui ma vie se trouve brisée, ma détresse morale est extrême, heureusement que mon épouse et ma famille sont là pour me soutenir, je n’ose pas imaginer ce que peut ressentir quelqu’un de seul dans cette situation.
Je suis au courant de mon prochain licenciement depuis le 9 juin, pourtant j’ai continué à aller travailler au collège, j’ai mis en place seul la visite des élèves de CM2 du secteur du Gol avec leurs parents. J’ai fait participer les délégués de sixièmes pour qu’ils répondent aux craintes et attentes des élèves de CM2, j’ai répondu aux interrogations des parents, j’ai réalisé un diaporama sous forme de DVD pour présenter le collège du Gol aux futurs sixièmes et tenter ainsi d’améliorer l’image de l’établissement. J’ai réalisé et distribué dans les écoles primaires un livret expliquant l’intérêt pour les élèves d’être demi-pensionnaires. Je n’ai pas donc pas chômé sans jamais avoir un quelconque compliment de l’administration sur mon action. Une question que je me pose : est-ce que cela avait déjà été réalisé sous cette forme au collège ? La réponse est non. Aujourd’hui je suis au bout du rouleau, très fatigué moralement de faire face à cette situation.
Je termine en remerciant tous ceux qui m’ont sans cesse critiqué depuis deux ans, ils se reconnaîtront et on les reconnaîtra. Je remercie également le premier syndicat enseignant qui n’a toujours pas levé le petit doigt pour tenter de m’aider, aujourd’hui ce n’est même plus la peine de me contacter. À toutes ces personnes, je ne souhaite pas que vos enfants vivent un jour la situation que je vis aujourd’hui. Par contre je remercie vraiment ceux qui m’ont soutenu et défendu, eux aussi se reconnaîtront et j’espère qu’on les reconnaîtra également.
William Leperlier
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Messages
26 avril 2007, 00:12
Bonjour,
Je viens pour te porter soutien dans tes épreuves. Je suis stagiaire IUFM en éducation musicale et étant toute seule avec mon fils, séparé par la distance de son père que je ne parviens pas à faire venir en France (il est d’origine marocaine), je vis un calvaire cette année. On dirait que tout le monde veut me faire passer pour une paresseuse et une professeure méprisante. Je ne sais pas si je serais titularisée, la seule chose que je sais c’est que je ne peux plus supporter d’être jugée dans mon travail. Oui, je n’ai pas d’expérience. Mais je travaille tous les jours, tous les soirs, tous mes week end et je n’ai toujours pas passé de vacances avec mon fils qui a 2 ans. j’ai tellement de travail que je ne peux voir mon futur mari qu’une fois tous les 3 mois.
Aujourd’hui j’ai envie de tout laisser tomber. C’est pas une vie, ce boulot. je veux profiter de mon petit, je veux vivre. Parfois je voudrais seulement être caissière ou employée agricole.
Toi aussi, profite de ta famille. défend-toi mais ne gâche pas ta vie. Je te souhaite bon courage.
17 mars 2008, 12:00, par justine
bonjour, je voulais savoir où en est ton affaire à présent. Me retrouvant dans ton parcours j’aimerais beaucoup prendre contact avec toi... cordialement, une stagiaire CPE sur le point de se faire licencier.