Note de l’Association pour le 19 mars célébré.

4 novembre 2022

Le 26 octobre, André Oraison a tenu une conférence à l’Université sur le thème : « Radioscopie critique de la loi de départementalisation du 19 mars 1946 (Le procès d’un texte législatif colonial) ». Le texte est paru dans Témoignages du vendredi 28 octobre 2022.

Le professeur de droit s’est livré à un autre procès. « Malgré la portée historique et symbolique que l’on se plaît trop souvent à lui reconnaître, la loi du 19 mars n’est donc pas un acte juridique libérateur et, encore moins, un acte politique romantique et révolutionnaire qui mériterait d’être célébré », est-il écrit dans le texte d’invitation.

Pour mémoire

L’Association pour le 19 mars célébré a édité une brochure, l’an dernier, avec le titre suivant : « 75 ans de vie commune, et …après ? ». En guise de préface, il y a une citation de Aimé Césaire : « Il fallait partir de là, mais il faut savoir en même temps que tout n’y était pas. C’était un point de départ et non un point d’arrivée. Il fallait cela, mais aussi savoir, et dès le début je le présentais, qu’un moment viendrait où il faudrait encore dépasser ce droit ». Césaire parle de la loi du 19 mars 1946 dont il était le rapporteur. Il est un acteur politique de premier plan. Pour Aimé Césaire, rien n’est figé. Il l’inscrit dans un processus historique.

Notre brochure est une compilation de textes et d’événements qui marquent 15 ans de lutte pour faire du 19 mars une date célébrée. Le lecteur peut y trouver, une proposition de loi de Paul Vergès (p.16). Déposée, au Sénat, le 12 février 2016, soit 9 mois avant son décès, celle-ci résonne comme un testament politique. Extrait : « Ainsi, dans sa courte histoire, La Réunion a connu deux profonds bouleversements : celui de 1848, avec l’abolition de l’esclavage ; celui du 19 mars, portant abolition du régime colonial ». Le texte conclut par ces mots (p17) : « Cette date du 19 mars 1946 représente des acquis historiques pour La Réunion, comme celle du 20 décembre 1848. Il est donc important que le 19 mars soit célébré comme le 20 décembre, et à ce titre, soit férié et chômé. »

La brochure rapporte également les propos de Elie Hoarau, à une Conférence à l’Université, en 2018 (p.19) : « le 19 mars sort les Réunionnais du statut colonial, un régime largement condamné aujourd’hui ». Il apporte des précisions dans une publication parue, en juillet 2022, et dont il est l’auteur : « L’ère de la Responsabilité, La Réunion à l’heure du choix ».

Lire cet extrait : « Nous pensons qu’elle doit être célébrée. En effet, cette date marque l’anniversaire de la loi de 1946 qui met fin au statut colonial de La Réunion ainsi que des autres DOM. Dans tous les pays libérés de la domination coloniale, la date de leur libération est fêtée. A La Réunion il doit en être de même non par mimétisme avec ce qui se passe ailleurs mais parce que cette loi a profondément changé la situation du pays. Ainsi, pour la première fois, les Réunionnaises et les Réunionnais auront accès aux soins grâce à la couverture maladie ; tous les enfants vont pouvoir être scolarisés, une politique de logement est mise en place ; des infrastructures sortent de terre…Voici l’opinion de Paul Vergès : « Cette loi a transformé la vie quotidienne infiniment plus que l’abolition de l’esclavage n’a transformé la situation matérielle des esclaves affranchis »9. Pour toutes ces raisons le Comité qui œuvre pour le 19 Mars célébré doit être soutenu et encouragé ». (p.18).

La brochure de notre association parle aussi de « l’Appel »(p.12) porté par Eugène Rousse, en date du 19 décembre 2005, ainsi que dans le « plaidoyer »(p.18) tiré du livre « Réconciliation et Fraternité » de Ary YEE-CHONG-TCHI-KAN ( Ed. 2009)

Nos commentaires

Une longue littérature a été consacrée dans de nombreux écrits pour disséquer cette loi d’assimilation et d’intégration. André Oraison n’apporte rien de plus. Par contre, sa conclusion est originale : « C’est au jour historique du 24 décembre 1946 et non à celui du 21 mars 1946 - le jour qui suit la publication de la loi de départementalisation du 19 mars 1946 au Journal Officiel de la République Française- que l’on doit considérer comme achevée la décolonisation des « quatre vieilles », au moins au plan juridique. C’est bien ce jour qui mériteraient éventuellement d’être célébré à La Réunion comme nouvelle date fondatrice de son histoire après celle du 20 décembre 1848, marquée par l’abolition définitive de l’esclavage ».

La loi du 19 mars 1946 a posé le socle de la décolonisation de l’île, soit le début du processus. Sur le plan constitutionnel, cette loi s’est ensuite traduite par l’adoption du principe d’identité législative dans son article 73 (Constitution du 27 octobre 1946). Ce principe stipule que « le régime législatif des départements d’outre-mer est le même que celui des départements métropolitains sauf exceptions déterminées par la loi ». Il a fallu malgré tout des années avant d’avoir une égalité de traitement entre les départements d’outre-mer et la France hexagonale. Si on prend l’exemple du SMIC, l’alignement total n’a eu lieu que le 1er janvier 1996, soit 50 ans après la loi. La Réunion est toujours qualifiée de nos jours par l’INSEE comme un territoire hors norme (taux de pauvreté, taux de chômage, inégalité de revenu,.. importants).

Finalement, la seule explication que nous pouvons avancer en lisant les circonvolutions de l’expert juridique est une tentative de rejeter dos à dos l’imposteur Virapoullé qui sacralise l’article 73 de la Constitution par mépris de l’avenir et les acteurs de la première Constituante de 1946 qui n’ont pas fermé la voie à la reconnaissance identitaire, l’Histoire et la Responsabilité. Elie Hoarau écrit dans sa publication : « L’intégration a été un progrès sur tous les plans dans une période donnée et des réalisations importantes ont eu lieu, mais aujourd’hui La Réunion marque le pas comme on l’a vu dans « l’état des lieux ». Le contexte est bien différent de celui d’après-guerre. Imaginons donc, dans la République, un système qui nous permette de résoudre nos problèmes actuels et qui permette aux Réunionnaises et aux Réunionnais d’exercer leurs responsabilités dans la gestion de leurs problèmes et d’anticiper sur l’avenir. Dépassons l’intégration qui a montré ses limites. Soyons pragmatiques. » Paul Vergès va dans le même sens quand il échange avec Aimé Césaire : « nous disons au gouvernement, ayez une vision historique de notre avenir. »

Nous devons continuer à conscientiser et rassembler, insuffler la confiance et la modestie. C’est notre mission historique.

Saint Denis, 30 octobre 2022, Association pour le 19 mars célébré.

Pour compléter votre information, se référer à notre collection « Textes à l’Appui », sous la coordination de Ary YEE-CHONG-TCHI-KAN.

N°1 : 19 mars 1946-19 mars 2021, 75 ans de vie commune…et après. (Julie Pontalba-Risham Badroudine)
N°2 : Abolir la pauvreté avant 2030.(David Gauvin, Manuel Marchal, Risham Badroudine, Julie Pontalba)
N°3 : L’ère de la Responsabilité, La Réunion à l’heure du choix (Elie Hoarau)
N°4 : (en cours de préparation), le texte intégral de l’échange entre Paul Vergès et Aimé Césaire qui donne une vision historique de cette loi.

L’association est à votre disposition à l’adresse suivante : "[email protected]".


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