Après la diffusion de ’Le pays des enfants perdus”

Ô rage ! Oh des espoirs ?

10 août 2006

Une page de l’histoire cachée, occultée, dissimulée depuis trop longtemps a été révélée à la population réunionnaise.
Déjà diffusé sur la chaîne régionale, les métropolitains, je l’espère, auront le loisir de juger de la politique post-coloniale de la France.
Les témoignages de vie que retrace ce film, quelques-uns parmi des milliers, nous amènent à nous poser la question de la responsabilité politique des élus de l’époque pour certains encore en place, de celle des fonctionnaires en poste de l’époque, du plus haut gradé au simple agent administratif, des administrations préfectorales et départementales, qui ont consciemment et/ou naïvement participé à ce déracinement, à ce rapt d’enfants, à ces mensonges sur une meilleure vie, là-bas, par delà l’océan.
S’il fallait faire une comparaison avec les méthodes employées lors de la traite négrière, La Réunion a été victime d’une méthode civilisée de traite mais au nom de quoi de qui ? dans quel but et avec quels moyens ?

Au nom de quoi ?

Sans doute du désir légitime d’intégrer cette population ultra marine dans les départements en manque de jeunesse, ce qui devait permettre à ces jeunes sans avenir, de bénéficier d’une éducation, et d’un environnement propice à leur épanouissement.

Au nom de qui ?

Sans doute au nom de celui qui fut à l’instigation de l’idéal républicain de 1958 mais qui n’avait plus les moyens à une époque de sa vie, d’occuper la place qu’il pensait mériter sinon venir prétendre à ce poste qui lui faisait défaut via un petit département d’Outre-mer, dont la population n’aurait de surcroît, aucun mal à reconnaître en lui du fait de son illustre compagnon le "grand Libérateur", une sorte de bienfaiteur, de "petit père" du peuple réunionnais ; cela d’autant plus que les résultats des urnes à cette époque, pouvaient s’obtenir d’une façon peu honnête. Mais "loin des yeux, loin du cœur", qui sur le continent métropolitain, aurait trouvé à redire sur la justesse et l’honnêteté des résultats de ces scrutins ultra marins ?

Dans quel but ? Et avec quels moyens ?

Les témoignages sont suffisamment éloquents pour renvoyer au mensonge et à l’insuffisance d’un État, de l’aveuglement lâche de nombre de ses représentants élus ou fonctionnaires, où tout le monde est responsable mais où personne n’est coupable et où la loi des petits chefs et des “marie-couche-toi-là” demeurent encore de nos jours la règle. Sans parler de l’intelligentsia locale et de ses réseaux occultes influencés éventuellement par des idéaux politico-religieux, les indulgences n’étant plus vendues depuis bien longtemps pour leur garantir une place de choix au paradis “extra” terrestre.
De cette situation, des vies ont été à jamais brisées, volées.
La rage est en moi. La rage envers un État et une Administration qui, malgré les années passées depuis la mise en place de cette politique qui a trop longtemps perdurée, n’a proposé aucune autre solution pour faire évoluer la population de son ancienne colonie, sinon celle consistant à l’abreuver de transferts d’argent en lui promettant une égalité, une fraternité et une solidarité dont les enfants de la Creuse auraient tant à redire !
Certes, nous sommes devenus entre temps “égal juridique” sur le papier de n’importe quel autre citoyen français d’un département ou d’une région métropolitaine. Mais la seule “abondance” de transferts publics suffit-elle à ce jour, à faire oublier la légèreté des décisions politiques appliquées à La Réunion, le manque de clairvoyance des choix politiques opérés depuis le milieu du 19ème siècle ? (...)

Réunionnais, réagissons !

L’aspirant "Debré" Baroin à sa nomination à Medetom, s’est engagé à prendre à bras le corps tous les problèmes de La Réunion. En combien de jours compte t il les résoudre ? Tel Harry Potter d’un coup de baguette magique ? Quand dira-t-il pour te flatter, Réunionnais, "ich bin ein Réunionnais" ? Au moment de son départ de Medetom, te dira-t-il "Réunionnais, je vous ai compris" ?
Frères, vous laisserez-vous flouer par ces discours de peu de valeurs ? Le “petit magicien” à lunettes insufflera-t-il suffisamment d’espoir pour que nous prenions une bonne foi pour toute, les rênes de notre destinée ?
Son prédécesseur avait promis de ne laisser aucun jeune sur le bord du chemin. Sommes-nous sur la route du plein emploi ? Qu’en pensent les contrats aidés dans les collectivités et tous ceux qui réclament le droit d’exister et d’être reconnus ?
(...) Soyons sur le bord du chemin à chacune des visites des futurs prétendants à la Présidence, pour leur rappeler que ce peuple dont ils ne reconnaissent l’importance qu’en période électorale (merci qui la Maison des civilisations ?), notre misère, notre Histoire, celle d’esclaves déracinés qu’on abreuve de jeux et de pain, alors qu’il a plus besoin de dignité, de respect et de travail. Demandons-lui de changer la signification du RMI en Respect Minimum d’Intégration qu’un état doit à ses enfants !
Aussi, ne laissons pas repartir le prochain représentant de ce gouvernement (qui devrait refaire une apparition avant la fin de l’année, si les moustiques veulent bien se donner la peine) tant que des engagements fermes et irrévocables ne sont pas pris dans le sens de notre développement, en y intégrant toutes nos spécificités.
Mais de simples barbares, mangeurs de chiens que nous sommes, seront-ils entendus ?
Si aucun espoir n’est donné comme je le pressens, alors il faudra avoir le courage de nous regarder face à face, de regarder nos enfants à qui nous ne léguerons que notre fierté, celle issue des petits blancs qui attendront encore pour des décennies et des décennies, un nouveau “petit père”.

Eric de Launay


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