Partir et... revenir

7 septembre 2006

Si les touristes ne remplissent plus trop les avions, les jeunes Réunionnais et Réunionnaises le font. Depuis quelques jours et pour quelque temps encore, Roland Garros s’anime des familles venues en nombre accompagner leurs enfants en partance pour les études ou pour le travail. Et parfois, souvent, c’est dans les larmes. La rentrée, pour beaucoup, cela veut dire partir.
"Il faut quitter son île", nous dit-on, sortir du cocon familier et familial. Certes. Aller voir ailleurs si l’herbe est plus verte ou si gouyav lé pli bèl est un désir qui nous jette sur les chemins du monde, et ces expériences de l’Ailleurs, de l’Autre ont leur intérêt. Je l’admets d’autant plus volontiers que ce fut mon rêve de jeunesse.
Mais tient-on le même discours aux jeunes lycéens et lycéennes de France et de Navarre ? Les pousse-t-on à partir à 10.000 km de leur famille au prétexte que c’est formateur ? J’en doute, et nombreux sont les exemples de personnes des régions françaises qui ont grandi et travaillent là où elles sont nées ou à proximité. Leur ailleurs se limite à un tourisme exotique, sans l’expérience d’un arrachement plus ou moins choisi, d’un grand éloignement, d’efforts d’adaptation parfois pénibles, d’inquiétudes pour les familles. Car ne les oublions pas les familles qui se pressaient à Roland Garros pour un dernier bisou, un dernier salut adressé à ceux et celles qui étaient passés de l’autre côté ! J’en connais qui, au départ du second enfant, ont décidé de déménager pour suivre leurs marmailles.
Sans doute la mobilité actuelle est-elle plus supportable aujourd’hui que pour les générations précédentes dont le billet retour, en cas de problème, n’était pas assuré et qui n’avaient pas les mêmes facilités pour communiquer par téléphone ou revenir en vacances. Mais si partir peut être une nécessité de formation, si la géographie nous impose un éloignement de 10.000 km, n’ajoutons pas les justifications moralisatrices sur la valeur éducative qu’il y aurait à quitter son île ! Discours à usage exclusif des îliens, de l’Outre-mer !
Au-delà d’une réaction d’humeur, reste la question du retour : partir pour se former, oui, mais quelles sont les chances de mettre en œuvre son savoir et ses compétences dans sa région ? Outre la diversification des filières à l’Université (à quand les sciences humaines ?), c’est le développement qui est à l’ordre du jour pour répondre, aujourd’hui, à la demande actuelle et, demain, à l’augmentation de la population active.
Pour plagier un maloya connu : "lavion la manz nout zanfan, nout zenès, nou espèr li va rann azot".

Brigitte Croisier


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