Quand elle s’est réveillée ce matin-là, elle était toute excitée, car depuis quelques jours, papa et maman lui avaient promis un voyage fabuleux, enfin elle allait rejoindre ces lieux magiques qu’elle appréhendait avec ses cousins et cousines qui ne tarissaient pas de superlatifs quand ils parlaient de l’école. Le jour était enfin arrivé, comme les autres, elle faisait son entrée dans ce lieu mythique. Se retrouver avec d’autres comme elle, tous curieux de tout, elle allait grandir en exploratrice des contrées de la vie. Découvrir le monde des livres et de la pensée, vous savez, là, où on rencontre aussi des arrières pensés. Des paysages construits par l’écriture, où, les mots deviennent des pinceaux taillés pour dire et émouvoir. Des chiffres dans des combinaisons multiples, de plus en plus complexes, qui deviendront des mathématiques et déboucleront les portes des sciences, tantôt physiques, ou encore chimie et parce que l’homme est sur la terre et sous le ciel, les sciences de la vie et de la terre. L’histoire qui va lui ouvrir un passé différent du présent et un avenir qui sollicitera sa créativité. La géographie qui creusera ses envies d’ailleurs et que “dehors est un grand pays, tu sais” pour paraphraser A. Lorraine qui le lui avait chuchoté à l’oreille. L’exode ne faisait que commencer vers ce pays de l’éducation qui avait la caractéristique d’être un pays peuplé de collines, qu’il fallait gravir les unes après les autres, la destination finale étant la “Maïeutiquosie*” ou encore la “Créatisie**”.
La première de ces pentes qui sollicitait ses premiers pas mal assurés était la maternelle, son ascension allait durer 3 ans, quand elle arriva à son sommet au terme de ce temps, elle fut charmée du paysage qu’elle avait devant les yeux. Elle lisait, elle comptait, elle dessinait, elle voulait surtout connaître encore. Ne s’y attardant pas devant ce point de vue, elle se remit en route pour la colline d’en face, un peu plus haut et surtout parce qu’elle faisait accéder à plus de connaissances. Et c’est avec plus d’assurance qu’elle entamait cette nouvelle étape, qui enchaînait CP, CE1, CE2, CM1, et CM2. C’était un nouveau sommet, le paysage qui s’offrait devant elle fut encore plus merveilleux et là, en face une nouvelle montée, celle-ci une montagne, ses familiers l’avaient appelée collège. Là elle comprit qu’elle n’était pas arrivée. Son sac avait pris du poids, elle reprit sa marche, le pays de l’éducation qu’elle s’était fixée de parcourir s’éloignait. 6ème, 5ème, 4ème et 3ème, ces quatre années passèrent sans qu’elle s’en aperçoive. Son petit corps, qui s’était endurci toutes ces années, avait changé, elle avait grandi, ses traits s’étaient affirmés, son cerveau ingurgitait plus qu’elle ne le pensait. La ligne d’arrivée au sommet était maintenant marquée par une banderole, sur laquelle on pouvait lire BEPC, il fallait l’attraper en l’atteignant. Elle qui avait su doser ses efforts dans cette longue course n’en fit pas un obstacle, enfin, elle triomphait. Comme dans les étapes précédentes, de ce nouveau point de vue, elle mesurait encore qu’elle n’était pas arrivée, l’horizon plus on s’en approchait, plus il s’éloignait. Alors elle s’est retournée et questionnant les anciens qui l’avaient accompagné, elle demanda : "faut-il aller encore plus loin ?". Tous unanimes lui dirent : "Tu vois là-bas, sur cette montagne tu t’ouvriras un avenir bien meilleur, si tu la gravis, ta récompense sera le BAC." Comme habituellement, elle prit son courage à deux mains et elle se mit en route. 2nde, 1ère, Terminale, elle n’en revenait pas, elle décrochait le sommet, le BAC. Quarante ans avant, seuls les meilleurs y arrivaient, ils étaient presque tous de la bourgeoisie. Malgré tout, sa destination la fuyait encore. Ce fut maintenant une montagne himalayenne qui lui faisait maintenant face, elle comprit que maintenant cela devenait une aventure, elle avait acquis les outils pour transformer sa marche en équipée, mobilisation de partenaires pour un projet pour vaincre cette façade, il lui fallait maintenant laisser des traces, des images, des écrits pour qu’ils servent à grandir l’humanité. C’est ainsi qu’elle rentrait à l’université : elle devenait étudiante. Elle rejoignait tous ceux-là, qui avaient pris l’identité de “Maïeutiquosiens” ou “Créatisiens”. La foule attendait d’eux, des idées pour résoudre toutes les complexifications du monde, toujours, en devenir, où, justice, égalité, amour, vérité, partage sont des combats pour les arracher et les faire advenir. Aux armes des idées, étudiants, changeons le monde...

*Maïeutiquosie : C’est ce pays, imaginé à partir de la Maïeutique de Socrate.
**Créatisie : C’est le pays de la créativité

Alex Maillot