Penser Judas

4 mai 2006

Quand le livre “Judas l’Innocent”, signé Jean Cardonnel, parut en avril 2001, il provoqua, sur un fond d’indifférence générale, un mini scandale chez les personnes qui ne tenaient aucunement à ce que l’on revienne sur le personnage de Judas, figé à tout jamais dans l’archétype du traître mû seulement par l’appât du gain dérisoire des fameux 30 deniers.
Mais pourquoi un tel acharnement ? N’est-ce pas à cause du rôle qu’on a voulu et qu’on veut encore lui faire jouer : l’instrument d’une véritable machination prêtée à un Dieu qui, disons-le tout net, n’a rien à voir avec sa Parole, son fils, le Christ Jésus ? Comme le démontre de façon magistrale, en toute rigueur poétique, le père Jean Cardonnel dans son “Judas l’Innocent”.
C’est parce qu’il n’a jamais accepté cette image un peu trop facile, colportée par la tradition et par toutes les Églises, de "celui qui est considéré depuis des siècles comme le plus grand criminel de tous les temps", que l’écrivain Marcel Pagnol a été amené à s’interroger sur le cas de Judas : "Du point de vue policier, des spécialistes - dont un juge d’instruction - m’ont dit : “C’est une affaire qui ne tient pas debout. Il doit y avoir autre chose”... D’où cette pièce de théâtre écrite pour montrer à tous son innocence : “Judas”. Un pur chef-d’œuvre, totalement ignoré du grand public.
À son tour, la psychanalyste Françoise Dolto s’est intéressée elle aussi de très près à Judas. Déjà, dès son enfance, du temps où elle était encore sur les bancs du catéchisme pour sa première communion, elle avait demandé à son aumônier : "Pourquoi en veut-on tellement à Judas et pourquoi dit-on que c’est un salopard, alors que, sans lui, la Passion n’aurait pas pu se déclencher et que le Christ lui a dit : ‘‘Ce que tu as à faire, fais-le vite’’. Avec cette remarque : "Judas qui aimait le Christ, et qui avait été choisi par le Christ qui l’aimait, voulait que tout le monde sache que le Christ était le fils de Dieu". Et de conclure : "Le désespoir, c’est que ça n’a pas marché. Mais ce désespoir découle de ce qu’il avait tout misé sur l’amour. Et quelqu’un qui mise tout sur l’amour, ne peut être qu’un saint". Son aumônier, complètement désarçonné, n’avait rien trouvé d’autre à lui dire que de prier Dieu pour qu’il lui accorde la grâce de "ne plus penser" ! Demande d’autant plus saugrenue et absurde qu’elle est tout à fait contraire au Premier commandement de Dieu, tel qu’il est formulé dans l’Évangile de Luc : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toutes tes forces... et de toute ton intelligence...".
À l’heure où paraît “L’Évangile selon Judas”, révélé sur un coup médiatique par la revue américaine “National Graphic”, c’est l’occasion ou jamais d’ouvrir tout grand le débat. Comme nous y invitait déjà, il y a exactement 5 ans, le père Jean Cardonnel, dans le préambule de son livre : "Penser ou ne pas penser Judas ! Penser ou ne plus penser tout court !
Le penser à fond ou accepter, ratifier sans aucune réflexion la somme de préjugés sur lui, sur Judas le traître, telle est bien la question qui est s’est posée à nous".

Georges Benne


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