Pour en finir avec les stéréotypes sur l’Outre-mer

5 mai 2004

J’imagine bien qu’il n’est pas facile pour un envoyé spécial dépêché pour quelques jours à La Réunion d’établir une photographie nette et fidèle en tous points à la réalité. Pour autant il lui est possible, en consultant un minimum de documents spécialisés accessibles au grand public et en croisant ses informations, de produire une analyse qui, échappant ainsi aux clichés, permet par son objectivité de se rapprocher le plus possible de la réalité.
Frédéric Ploquin, certainement pris par l’urgence, n’est pas parvenu à répondre à cette exigence de rigueur qui fait la qualité d’un dossier de presse. On apprend ainsi que "les Chinois (...), les Zarabes, (...), les Malbars (...) s’en tirent mieux que les autres". Sachant que la Constitution française ne reconnaît que des citoyens français et que partant de là aucune statistique ne peut prendre en compte comme critère déterminant l’origine ethnique des dits citoyens, il apparaît dès lors qu’une telle affirmation ne puisse reposer que sur le "ladi lafé", c’est-à-dire sur la rumeur.
Après quelques considérations subjectives sur l’immigration comorienne à La Réunion, on découvre que "(...) selon le barème en vigueur, un couple de RMIstes avec six enfants émarge à 1.401 euros (...)". Il aurait été intéressant ici d’examiner ce revenu à la lumière des méandres de la fixation des prix des biens de consommation dans notre île. Les tarifs des locations immobilières y sont comparables à ceux pratiqués en Île de France. Les prix des denrées alimentaires et des biens de consommation courante importés de métropole dépassent de 20% à 120% ceux pratiqués en moyenne sur l’ensemble du territoire national. Ajoutons à cela le fait que les tarifs de certaines productions alimentaires locales peuvent être multipliés par dix après le passage d’un cyclone et le pouvoir d’achat du ménage en question apparaît tout relatif.

La fin du reportage est marquée par l’abandon de toute objectivité de la part du journaliste : la fatigue sans doute. Je passe les détails sur les propos repris tels quels de la bouche de la ministre de l’Outre-mer sur les "Réunionnais (qui) pleurent la bouche pleine", l’essentiel est ce qui est écrit ensuite. On y lit : "continuité territoriale oblige, on devrait bientôt voir des voyageurs à prix "assisté" dans les avions".
Aucune allusion bien sûr au fait que la Corse bénéficie depuis des dizaines d’années de cette continuité territoriale, laquelle reçoit par ailleurs ’une "aide" bien plus conséquente que celle allouée à La Réunion. Il est regrettable qu’il n’y ait aucune information sur ce que cette "assistance" représente par Réunionnais : les lecteurs seraient surpris d’apprendre que la dite "assistance" est évaluée à moins de 11 euros par individu et que le moindre vol à destination de la métropole vous est facturé entre 600 et 1.500 euros selon la saison. Vous avez dit "assistance" ? Le terme "charité" me semble en l’occurence plus approprié.
Dernier cliché, pour la route, histoire de dresser les citoyens les uns contre les autres : deux "zoreilles" (métropolitains, dont on apprend plus haut qu’ils font partie des bénéficiaires des salaires majorés réservés aux fonctionnaires et de la défiscalisation), devisant à propos de sujets futiles au bord d’une piscine, et montrés comme imperméables aux problèmes socio-économiques de La Réunion. Il eut été utile ici de rappeler que la majorité des fonctionnaires réunionnais est créole (c’est-à-dire née ici) et que les employés du secteur privé profitent tout autant de la défiscalisation immobilière, sinon plus.
Cet article fait du cas particulier rencontré ça et là une généralisation. En découle une vision déformée de la réalité réunionnaise, voire ultramarine, qui ne peut finalement que desservir l’image que se fait du domien son concitoyen métropolitain. Quand Frédéric Ploquin évoque "des étudiants s’enchaînant aux grilles du rectorat pour ne pas partir (en métropole)", il oublie de signaler qu’ils ne sont qu’une dizaine, qu’ils viennent de réussir un concours national d’enseignement (CAPES) dans une matière où aucun poste n’est disponible à La Réunion, et que, dans l’ensemble, la grande majorité des étudiants réunionnais partant se former où travailler en métropole le fait de son plein gré.
Soucieux de rectifier l’image de notre île et de ses habitants, nous invitons donc chaleureusement Monsieur Ploquin à y revenir dès qu’il le souhaitera, et pour un séjour plus long, tant il nous semble important pour lui comme pour ses lecteurs de ne pas rester sur un cliché fort injuste d’une population bien ordinaire et respectable : "nou lé pas plus, nou lé pas moins"...

Pascal Basse,
premier secrétaire fédéral du M.R.C. Réunion


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