Public-privé : le tram-train ouvre la voie

23 juin 2006

Un lecteur nous a envoyé un courrier qui nous a paru particulièrement intéressant pour l’accueillir dans la page Analyses. En effet, nous assistons, depuis quelques temps, à par exemple des remises en cause de la part de nos confrères des diverses orientations politiques de la Région. À force de quelques touches qui glissent des insinuations sans démonstration, comme le rapport public-privé, on en arrive à des contrevérités... (NDLR).
L’intertitre est de “Témoignages”.

Le “Quotidien” du 21 juin consacre un dossier à la décision de la Région de recourir en partie à des capitaux privés pour investir dans la construction et le fonctionnement du futur tram-train. Le même journal avait déjà traité le sujet le 25 mai dernier. Cette fois, il annonce que cette "nouvelle alliance" serait "une première à La Réunion" . Elle découlerait de la mise en application d’un nouveau dispositif, le contrat de partenariat public-privé (PPP). Ce dernier ne serait pas apprécié par la gauche et les altermondialistes. Le “Quotidien” reprend à cette occasion, cri filigrane, un de ces thèmes favoris : l’alliance supposée entre le PCR et une partie des capitalistes locaux.

Le jour même où le “Quotidien” donne l’information et la commente, I’AFP nous apprend que le maire socialiste de Paris, Bertrand Delanoë, a choisi le projet du groupe Lagardère et préféré à ceux du Racing et du Paris Golf et Country Club pour l’utilisation des 6,6 hectares du site prestigieux de la Croix Catelan, au Bois de Boulogne. Le projet fera jouer un rôle capital à la Team Lagardère.
Contrairement à ce que laisse entendre le “Quotidien”, toute "la gauche" française ne rejette pas tout recours à des capitaux privés.
De fait, le “Quotidien” enfonce une porte ouverte.
Bien avant le fameux PPP dont il parle, La Réunion a pratiqué l’alliance public-privé. Mieux, en tant que président de l’ex-SIVOMR, Paul Vergès a été un précurseur en la matière. Il a été à l’initiative de sociétés comme la SEMITTEL, la SEMADER, de la SEMPRE, toutes sociétés d’économie mixte faisant appel à des fonds publics comme à des capitaux privés. L’expérience de l’ex-SiVOMR a été imitée et on recense un nombre important de SEM à La Réunion. Force est donc de constater que l’île ne s’est pas privée du privé.

Une privatisation déjà expérimentée

Toujours en tant que président de l’ex-SIVOMR, le même Paul Vergès a privatisé la gestion d’une délégation de service public : le ramassage et le traitement des ordures. Quand il avait signé le premier contrat du genre, le “Quotidien” ne parlait pas seulement d’une alliance avec le privé. Le journal du Chaudron avait repris à son compte les accusations de corruption formulées par Jean-Paul Virapoullé. Il avait titré sur "les ordures en or" du SIVOMR. Depuis, Paul Vergés a été imité.
On peut ajouter le fait que les municipalités dirigées par des communistes ont toutes privatisé la gestion du service de l’eau. Comme quoi Paul Vergès et ses amis n’ont pas attendu pour faire appel à des capitaux privés. Personne n’avait dit qu’il s’agissait d’une "bombe à retardement."
Les sociétés qui gèrent les déchets ménagers et l’eau à La Réunion sont celles qui font le plus gros chiffres d’affaires de l’île.
Mieux, il est arrivé à Paul Vergés de refuser l’argent du privé. L’année dernière, le président du Conseil régional avait argumenté auprès du Conseil d’Administration d’Air Austral - autre SEM - pour ne pas accepter l’offre d’achat d’une partie des actions par le groupe de Jacques de Chateauvieux. Ce dernier, dans la logique qui était légitimement la sienne, voulait faire entrer Air Austral en bourse et "rentabiliser" la compagnie. Vergés voulait lui défendre le rôle de service public joué par Air Austral.
Nous arrivons à une période charnière : celle où de nombreux capitalistes réunionnais abandonnent ce qui était leur mission première pour investir dans des secteurs plus rémunérateurs. Après avoir quitté la canne, de Chateauvieux s’est lancé dans la grande distribution avant de diversifier un peu plus ses activités en investissant dans l’immobilier ; Adboul Cadjee a lui quitté l’automobile et s’intéresse au très lucratif secteur de l’immobilier d’entreprises.
Dans le même temps, on voit se multiplier les missions appelant les Réunionnais à investir à l’extérieur. Madagascar, la Guadeloupe, la Nouvelle-Calédonie ont récemment sollicités La Réunion. Le “Quotidien” a fait la promotion de telles opérations. Sans doute souhaite-t-il que les investisseurs locaux investissent à l’extérieur. Ou bien quand le “Quotidien” en a besoin. Le patron historique du journal du Chaudron ainsi que sa famille n’ont-ils pas cédé l’année dernière leurs actions à de nouveaux souscripteurs ? L’opération lancée par la Région à propos du tram-train va permettre à des capitaux réunionnais de s’investir dans un projet de développement local. C’est là l’essentiel.

Jacques Marolle


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