Quai Branly / MCUR : ce n’est pas du pareil au même

28 juin 2006

Une sorte d’unanimité a salué l’inauguration par Jacques Chirac du Musée du Quai Branly. On a vu dans les déclarations du Chef de l’État une avancée dans la reconnaissance des cultures non-occidentales et dans la volonté de mettre tout le monde à égalité. "Au cœur de notre démarche, il y a le refus de l’ethnocentrisme, de cette prétention déraisonnable et inacceptable de l’Occident à porter, en lui seul, le destin de l’humanité (...). Il n’existe pas plus de hiérarchie entre les arts et les cultures qu’il n’existe de hiérarchie entre les peuples. C’est d’abord cette conviction, celle de l’égale dignité des cultures du monde, qui fonde le musée du Quai Branly", a déclaré Chirac.
Pour le Président, le Musée des Arts Premiers s’articule autour d’une idée essentielle : il n’existe pas de hiérarchie entre les cultures. C’est une avancée autant qu’un repli.
Jacques Chirac remet en cause une idée force qui a vécu jusqu’ici et issue généralement de la période coloniale : des civilisations ou des cultures seraient supérieures à d’autres. Cependant, malgré cette mini-révolution culturelle, le chef de l’État ne cherche pas pour autant à valoriser tous les apports constitutifs de la "civilisation française" : les cultures basques, bretonnes, occitanes, provinciales, cathares, martiniquaises, guadeloupéennes, réunionnaises, mahoraises, etc... Par deux fois, le Conseil constitutionnel refusa que la France signe la Charte européenne des langues régionales. Jacques Chirac qui, en tant que Président de la République, pouvait demander et obtenir une révision pour rendre la charte compatible avec la Constitution française, refusa par deux fois de le faire.
(...) Le musée du Quai Branly célèbre les Arts Premiers pour ce qu’ils étaient. Pas pour ce qu’ils sont devenus ou ce qu’ils deviendront. Implicitement, le Chef de I’État admet que les civilisations autres que celles qui sont représentées Quai Branly peuvent encore évoluer, mais pas les Arts Premiers. À ses yeux, il ne reste plus aux peuples des Arts Premiers qu’à contempler ce qui leur reste de leurs cultures passées. (...) Pour le chef de l’État, toutes les cultures se valent, mais elles n’évoluent pas de la même manière. Elles coexistent, mais ne dialoguent pas, ne se critiquent pas et ne s’évaluent pas les unes par rapport aux autres. (...)
La démarche de la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaises (MCUR) est différente. D’abord, elle n’a pas la même prétention universaliste du Quai Branly. Elle ne fait pas appel à toutes les cultures du monde. Mais seulement à celles qui sont arrivées jusqu’à La Réunion et qui lui ont apporté quelque chose. Certains de ces apports sont jusqu’ici, qu’on le veuille ou non, minorés (l’apport vietnamien ou encore celui des francs-maçons). La MCUR ne choisit pas de valoriser parmi ces apports, les Arts Premiers. Elle n’a pas pour prétention de célébrer les cultures primitives de l’Inde, de la Chine, de la France, de Madagascar, etc. Elle regarde ce qui a été apporté par ces pays ou continents (...). Enfin, dans le cadre historique qui a été celui de l’île - avec les rapports de forces qui en a résulté -, la MCUR cherche à évaluer le dialogue qu’ont entretenu sur le sol réunionnais ces cultures, leurs échanges réalisées souvent sous le régime de la force, de l’obligation pour constituer au final une autre culture celle que l’on pourrait baptiser de "créole réunionnais". La démarche de la MCUR est dynamique. Elle présuppose un choix - ou des choix - à faire, des valeurs à recenser et à valoriser, des débats à mener, des enrichissements à venir. Elle sera l’œuvre des Réunionnais pour La Réunion. (...)

Manuel Socratès


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