“Quotidien” : lorsque l’ignorance est transformée en science

5 septembre 2005

Pour tenter de conter le succès dominical de l’éditorial de Jacques Tillier du “JIR”, “le Quotidien” a décidé de réaliser chaque samedi une page de “ladi-lafé”. Voilà donc ce qui ressort de la rumeur, de ce mal chronique que dénoncent les Réunionnais (1) , élevé au rang de chronique journalistique. Ce n’est pas un signe d’élévation du niveau intellectuel mais, plutôt un rabaissement.
La première chronique de samedi dernier en dit long sur ce que sera un des axes stratégiques de la rubrique : la critique de l’action du président de Région et du Parti communiste réunionnais - 2 espèces qu’une partie de la rédaction du “Quotidien” rejettent, - seront en ligne de mire.
Samedi donc, un article spécifique a été consacré à la réception à l’Hôtel de Région de la star indienne du Bollywood et du traitement qui lui a été consacré par “Témoignages”.
Citant toute une série d’artistes qui sont passés par La Réunion (Rokia Traoré, Toto la Monpassina, Césaria Evora, etc...) le “Quotidien” note une certaine contradiction chez “Témoignages” et le président de Région qui n’auraient pas salué ces chanteurs et chanteuses comme d’authentiques représentants d’une diversité culturelle défendue par les communistes et saluée par eux avec Shah Rukh Khan.

Tous les artistes cités par le “Quotidien” ont cette particularité d’avoir émergé sur la scène internationale après avoir été reconnus et encensés par la critique occidentale. Ces artistes participent du secteur dit de la “world music” que promeut l’Occident. Cela fait plus de 30 ans que la Cap-verdienne, Césaria Evora, est une idole dans son pays et en Afrique. Il a fallu attendre la fin des années 90 pour qu’elle soit reconnue sur le plan mondial. Ne parlons pas de ces chanteurs ou musiciens tenus “d’occidentaliser” leur musique pour être mieux diffusés.
Par contre, Shah Rukh Khan ne fait pas encore partie de ces artistes non-occidentaux admis dans le cercle de la “world music”. D’ailleurs, on notera que le cinéma indien - comme le cinéma africain - sont généralement peu présents dans les grands festivals de films occidentaux comme Cannes.
Ceci étant, il faut noter que c’est l’organisateur de la tournée de Shah Rukh Khan qui a demandé que l’artiste soit reçu à l’Hôtel de Région. Il a fait la même demande auprès de la mairie de Saint-André et du Conseil général et a obtenu un refus.

Le jugement péremptoire et quasi-définitif du “Quotidien” sur l’attitude de “Témoignages” et des communistes vis-à-vis d’artistes étrangers en visite à La Réunion et de leurs musiques est entaché d’une grave insuffisance : il est marqué du sceau de l’ignorance.
À travers la fête de “Témoignages”, les communistes réunionnais n’ont pas attendu que le système porte certains musiciens et certaines musiques pour faire connaître et apprécier ici le raï avec Cheb Kader, la musique africaine avec Salif Keïta ou San Fan Thomas, la musique antillaise avec un groupe de musiciens résidant en France, le reggae avec Steel Pulse, la capoéra brésilienne, des artistes de Madagascar, sans compter le théâtre de rue. Ils l’ont fait à une époque difficile, où la majorité de ces artistes n’avait pas encore atteint la notoriété internationale. Il suffirait de relire les programmes des fêtes de “Témoignages” pour mesurer tout ce que ce journal a ouvert comme voies. “Le Quotidien”, lui, préfère surfer sur les vagues de la mondialisation et des choix imposés par les grands majors ou les “tourneurs” occidentaux. Lorsque, par exemple, le pakistanais Nusrath Fateth Lai Khan est venu en tournée à La Réunion, “Témoignages” a été le seul quotidien à signaler en ouverture de une la qualité exceptionnelle de l’événement.
L’article du “Quotidien” de ce samedi illustre une dérive : celle consistant à transformer son ignorance en science et à construire toute une analyse sur ce que l’on ignore.

Jacques Samuel


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