Réponse à Madame X

9 novembre 2004

La lettre que nous publions ici répond à un courrier de lectrice publié dans un autre quotidien, le 6 novembre dernier. Ce courrier était signé par “Une enseignante du lycée Antoine-Roussin (Saint-Louis)”.

Madame l’enseignante du lycée Antoine-Roussin, vous n’avez pas de foulard sur la tête, enfin je le crois, mais vous portez une cagoule virtuelle puisque votre diatribe contre Huguette Bello n’est même pas signée, ce qui prouve un manque évident de courage de vos opinions.
Vous parlez de gageure à propos de la défense de la cause des femmes de la part de la première femme députée de La Réunion. Vous n’êtes ici que depuis 10 ans, ce qui explique votre ignorance du combat de l’UFR avec Huguette Bello comme dirigeante depuis 1974.

L’UFR a défendu le droit à la contraception et à l’avortement depuis cette date.
L’UFR a dénoncé le viol comme crime alors que la justice le considérait comme un délit jugé en correctionnelle et s’est constituée partie civile dans des cas dramatiques, avec l’accord des familles.
L’UFR a défendu des victimes de harcèlement sexuel bien avant que ce soit un comportement puni par la loi.
L’UFR a toujours, dans ses assemblées générales et dans les célébrations du 8 mars, apporté son soutien à toutes les femmes subissant des mutilations sexuelles (infibulation et excision), à toutes celles opprimées dans leurs pays par le seul fait d’être femme.
Le 9 août, journée des Femmes sud-africaines, nous avons soutenu, par des manifestations pendant la triste époque de l’apartheid, la lutte du peuple sud-africain pour sa libération.

Nous n’avons donc aucune leçon de militantisme féminin à recevoir de vous et nous serions curieuses de connaître vos faits d’armes pour la défense des femmes ici et ailleurs.
Maintenant il faut vous rappeler qu’ici, à La Réunion, département où vous avez choisi d’enseigner, la population est originaire d’Afrique, de Madagascar, d’Inde du Sud, de Goujrat, de Chine, de Mayotte, d’Europe... et que toutes ces communautés se mélangent et se reconnaissent par leur diversité cultuelle, culturelle, vestimentaire... et par exemple, le rika sur le front des jeunes filles d’origine indienne ainsi que le foulard porté par certaines musulmanes ne témoignent ni d’un désir de prosélytisme, ni d’une soumission à une autorité quelconque.
Les femmes issues de la communauté musulmane, désormais bien intégrée dans la société, sont enseignantes, médecins, chefs d’entreprise et même présidente du Conseil général.
L’histoire du peuplement réunionnais ne ressemble en rien à celle d’une banlieue populaire française. Malgré un passé violent et douloureux marqué du sceau de l’esclavage, de l’engagisme, du colonialisme, notre île actuellement s’épanouit dans une harmonie, certes fragile, mais harmonie où tous les courants religieux se retrouvent régulièrement à l’occasion d’événements importants.

Avez-vous pris connaissance de l’intervention de la députée Huguette Bello à l’Assemblée nationale le 3 février 2004, vous qui hurlez de douleur en écoutant le JT du 2 novembre ? Pour votre gouverne, en voici quelques extraits :
"Chez nous les mosquées, les temples hindous ou chinois voisinent avec les églises catholiques. Chez nous à l’occasion des fêtes qu’elles célèbrent, les communautés religieuses échangent leurs vœux par communiqués publiés dans la presse...
Cet équilibre est précieux, fragile aussi. Il a fallu beaucoup de temps et d’efforts pour qu’il s’établisse, dans une île où un article du Code noir interdisait l’exercice de toute autre religion que la catholique...
Les Réunionnais savent ce que signifie l’égalité entre des options spirituelles différentes et ils savent qu’elle est le garant de la liberté de conscience. Ils savent aussi que la laïcité construite sur la neutralité du pouvoir politique constitue la meilleure défense possible contre les périls du communautarisme.
Le défi - dont parle M. Stasi - “de forger l’unité tout en respectant la diversité de la société”, il a été relevé et victorieusement dans notre île.
Tous les responsables politiques et religieux de La Réunion ont souligné l’inutilité de cette loi. La ministre de l’Outre-mer préconise de l’appliquer avec “souplesse et intelligence”..."

Tous les jours, l’actualité nous montre des affrontements sanglants provoqués par la mondialisation libérale, par des conflits culturels et cultuels, par un nationalisme exacerbé.
Notre île apparaît comme un exemple de tolérance ; ne contribuons pas, par méconnaissance de l’Histoire et étroitesse d’esprit, à mettre le feu aux poudres mais peut-être que vous, madame X, ne vous projetez pas dans un futur réunionnais...

Marie-Hélène Berne
Union des femmes réunionnaises


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