Réponse au journal “Libération”

17 octobre 2005

Je suis Réunionnais et je ne me retrouve pas dans l’article de la correspondante de “Libération” à La Réunion, à propos de ma culture culinaire et de mes pratiques culturelles pour pêcher les requins. Je suis particulièrement déçu car votre correspondante qui n’a pas dû faire beaucoup de terrain mais s’est plutôt basée sur des “on-dit” (ladi lafé en créole). Bref, que des préjugés. Il est vrai que certaines familles chinoises ont mangé du chien jusque dans les années 60 ou 70, mais cela reste exceptionnel car ils ont reproduit une pratique plus courante en Chine, au Vietnam, en Corée. Il existe peut-être encore aujourd’hui des familles qui mangent du chien en France, peut-on pour autant affirmer que tous les Français mangent du chien ?

À La Réunion, les personnes qui dénoncent ces faits sont généralement membres de la SPA, tous Métropolitains (Zorey), ceux qui condamnent et qui jugent sont des Métropolitains, leurs réseaux en France qui compatissent sont également “Maîtropolitains” et ceux qui écrivent dans les journaux ici en tant que journalistes sont aussi Métropolitains. Cela est en train de devenir une affaire récurrente de “Créole-Zorey”.
Ces personnes n’hésitent pas à accuser les Réunionnais de barbarie à l’encontre des animaux, pourtant dans cette communauté métropolitaine, on pêche aussi à vif.
Tous les pêcheurs aux gros à Saint-Gilles (Zorey land) sont très majoritairement des Métropolitains, et pour pêcher le thon, le marlin ou l’espadon, ils mettent des appâts (bonites) vivantes en enfilant les hameçons dans les 2 yeux pour les rendre aveugles, et elles s’agitent dans l’eau pour attirer ainsi les plus gros poissons.

J’irai même plus loin : la pratique de pêche au requin avec des chiens, présentée comme une tradition locale, nous vient.... du Sud de la France !
Je suis issu d’un quartier de pêcheurs et les vieux pêcheurs affirment que la première fois qu’ils ont vu cette pratique de pêche, c’était une “technique” de marins marseillais “importée” à La Réunion au début des années 80. Vous pouvez même voir dans les archives du journal des années 80 où travaille votre correspondante, des photos et des articles sur les prises des plus gros requins pêchés par des militaires métropolitains avec la même technique dénoncée par ce réseau de personnes dominantes et blanches.
Cette polémique est à replacer dans un contexte (et c’est aussi le rôle d’un journal que de prendre du recul) : celui d’un système de domination néo-coloniale où La Réunion est toujours contrôlée par un réseau de Métropolitains qui cherchent à dénigrer l’image du Réunionnais, et ce par tous les moyens. Les Métropolitains le savent, les Réunionnais sont toujours soumis et ils utilisent cette soumission pour exercer leur pouvoir.
Cette affaire montre également à quel point les Européens blancs placent désormais le chien au rang d’un enfant, le considèrent comme un être humain. À ma connaissance, le chien est encore un animal et l’Homme est le seul animal social. Il convient donc d’apporter une réponse proportionnée à cette triste affaire. Le sort des hommes semble beaucoup moins émouvoir que celui des bêtes.

La Réunion d’aujourd’hui traverse une période difficile : fort chômage, crise identitaire, violences. Pourquoi ne faites-vous pas des sujets sur les conséquences psycho-sociologiques de l’esclavage et de l’engagisme chez les Noirs à La Réunion ? Quelles sont les causes de l’alcoolisme, de la carence éducative, des échecs scolaires, les incestes, les viols, la délinquance, les violences conjugales... Pourquoi le chômage atteint les 75% dans les quartiers populaires ? Pourquoi 1 personne sur 4 vit-elle sous le seuil de pauvreté à La Réunion ? Quels sont les problèmes d’identité dans cette société post-esclavagiste, transculturelle et raciste en même temps ? Pourquoi ne vous intéressez-vous pas aux conséquences de la déportation des enfants réunionnais dans La Creuse ? Mais non, les problèmes des chiens sont plus importants que ceux des Réunionnais. Le règne du sensationnel aurait donc contaminé “Libération” ? Ne “staracadémiser” pas le journalisme.

Grankok

Requins

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