Sagesse populaire, dérive des élites ?

3 février 2018, par François Maugis

Lors de mon service militaire dans les années 60 je fus confronté à cette attitude populaire que je ne comprenais pas : le refus de vouloir s’élever dans l’échelle sociale. Bien des années plus tard, j’entrevois la réponse.

Instinctivement, le bon sens populaire ne souhaite pas s’immiscer dans les affaires de responsabilité. Tout se passe comme si existait une certaine méfiance du peuple à l’égard des maîtres de son propre destin. D’autres prétendront qu’il s’agit d’une incapacité. Je ne le crois pas. J’ai plutôt l’impression que ceux qui jouent avec le destin du peuple sont mal considérés et qu’ainsi deux clans plus ou moins étanches se sont constitués : le peuple plus ou moins passif et soumis d’un côté, les décideurs et les maîtres de l’autre.

Elle est loin l’époque où le chef de tribu était admiré, aimé et respecté. Les temps ont changé. Le temps et l’expérience des masses populaires a consolidé cette méfiance. L’histoire des civilisations nous démontre que cette méfiance est parfaitement justifiée. Gérer la tribu humaine n’est pas une mince affaire. Les dérives, les déséquilibres et les troubles multiples qui agitent et empoisonnent le monde d’aujourd’hui, démontrent bien, soit que c’est très difficile, soit que les maîtres se sont souvent fourvoyés.

La sagesse populaire, au contraire, reste sur la réserve, observe et attend. On pourrait peut-être résumer sa philosophie de la manière suivante : « Il vaut mieux ne rien faire que faire des conneries ». Et, effectivement, on peut se poser cette question : « L’emballement tous azimut de l’activité et de l’ambition humaine, n’est-il pas excessif ? » Il y a déjà de nombreuses années que le Club de Rome et bien d’autres, prêchaient la croissance zéro. Ne serait-ce pas donner raison à cette sagesse populaire que certains, à tort, traitent d’attentisme ? Il y a bien sûr une part d’inconscient dans cette pseudo-sagesse qui, finalement se rapprocherait de l’instinct animal.

Cela n’a rien de péjoratif. De nombreux scientifiques (neurologues, psychologues, etc.) donnent une place de plus en plus importante à l’instinct ou l’inconscient qui, autant ou même plus que notre raison, dicterait nos pensées et nos actions. Sagesse instinctive ou sagesse inconsciente, difficile de trancher. Il n’en demeure pas moins que l’évolution globale des choses sur notre malheureuse planète inciterait, comme le peuple le souhaite, à plus de calme, dans tous les domaines. Si, par ailleurs, on constate que le progrès qui était censé libérer l’homme, n’a pas tenu ses promesses, on trouve là une raison de plus d’en vouloir à nos élites qui, finalement, se sont noyées dans l’excès.

François-Michel Maugis, La Réunion
Économiste, écrivain et philosophe


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