Santé et morbidité à La Reunion : un nouveau regard

12 octobre 2016, par Frédéric Paulus

Pour marquer la journée mondiale de la santé mentale, l’ORS Réunion rappelle quelques données sur la santé des Réunionnais. Selon l’observatoire, près d’un quart des Réunionnais interrogés sont concernés par la détresse psychologique, un taux légèrement supérieur à celui de la Métropole. 1 Réunionnais sur 20 a des pensées suicidaires. En 2014, près de 10 % des enquêtés ont déclaré avoir connu un épisode dépressif. Les femmes sont deux fois plus nombreuses que les hommes et il s’agit le plus souvent d’une dépression d’intensité moyenne ou sévère. Les symptômes principaux : un sentiment de profonde tristesse, une perte d’intérêt généralisée, épuisement et manque d’énergie, perte ou prise de poids d’au moins 5 kg, difficultés à dormir et à se concentrer, pensées morbides, perte d’intérêt pour la plupart des choses comme le travail ou le loisir. Voilà pour le constat succinctement présenté.

Le médecin et anthropologue Jean Benoist avait déjà évoqué la « médicalisation de bien des problèmes sociaux », in, « Anthropologie appliquée en société créole ». Pour cet auteur : « L’inadéquation des univers culturels et sociaux perturbe alors l’efficacité des services médicaux, tout en accroissant leurs coûts car ils sont amenés à prendre en charge la médicalisation de bien des problèmes sociaux », page 84, (1993), ouvrage en ligne sur le Web.

Cette morbidité relevée par l’ORS pourrait de nos jours se lire ou se diagnostiquer avec un autre regard du fait de la « montée en force » de l’hypothèse selon laquelle l’expression des gènes serait également influencée par des facteurs extérieurs aux gènes et qui se désigne par le terme d’ « épigénétique ».

Pour comprendre cette dimension extérieure ou environnementale dans l’expression des gènes, je fais appel aux travaux du Professeur d’écologie environnementale Luc-Alain Giraldeau, de l’université de Québec à Montréal. Le Professeur prend comme exemple l’abeille qui deviendra une reine ou une ouvrière selon qu’on l’aura nourrie ou non de gelée royale. « Les substances contenues dans ce complément alimentaire jouent sur les interrupteurs de nombreux gènes » pour permettre ce développement différencié. « Ces effets épigénétiques n’ont été découverts que relativement récemment, et les possibilités de l’influence environnementale sur l’expression des gènes permettent d’envisager les conséquences génétiques d’un tout autre point de vue. Il est possible, par exemple », poursuit Luc-Alain Giraldeau, « qu’une carence alimentaire ou l’exposition chronique à des situations stressantes au cours du développement affecte l’expression des gènes. Cela se manifesterait ensuite par des effets surf le QI, la tendance au surpoids, l’hypertension artérielle, etc. Bref, les gènes, et donc leur effet, sont modulés par l’expérience vécue », p.66, in « Dans l’œil du pigeon, évolution, hérédité et culture », (2016). Cet auteur n’est pas isolé au sein de sa communauté à porter un tel regard, certes encore minoritaire. Rappelons qu’Henri Laborit avait non seulement imaginé cette hypothèse, il l’avait vérifiée sur des rats dans son laboratoire. Cette confirmation, maintenant admise devient potentiellement « révolutionnaire ».

La médecine devra tenir compte de l’histoire des malades, ce que font déjà les psychologues cliniciens, les psychothérapeutes ou les psychanalystes pour le champ de la santé mentale. Mais avant de terminer, nous ne devrions pas omettre de rappeler notre définition de la santé extraite du rapport remis au Ministre de la Santé Jacques Ralite en 1983, rapport dit « de Bernis ». La santé : désir, plaisir, rapport actif à l’environnement, créativité », Documentation Française : « Propositions pour une politique de prévention ».

Frédéric Paulus
CEVOI


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