Ségolène Royal ne mérite pas de devenir présidente !

7 juillet 2006

À se fier à l’opinion commune, la question de la sécurité relèverait d’une thématique de la droite politique, parfois aggravée en idéologie sécuritaire par emprunt à la droite extrême, elle-même connue pour ses faiblesses à l’égard de l’extrême droite fascisante et son totalitarisme virtuel récurrent. Rapporté à ce préjugé, chacun comprendra le côté provocateur d’un discours “sécuritaire” prétendu de gauche, en rupture avec le présupposé laxiste, angélique, naïf et irresponsable qui est prêté d’ordinaire aux représentants de cette vaste famille de pensée.

Penser la sécurité serait une trahison de supposés principes devant l’interdire, mais ce serait aussi faire preuve d’une extraordinaire lucidité responsable pleinement significative d’une capacité à exercer les plus hautes fonctions de la République dans la conduite de l’État. Il n’existerait pas d’alternative et il faudrait, pour l’essentiel, soit penser la sécurité comme la pense la droite, soit ne pas la penser du tout !

C’est ce que vient d’acter Mme Ségolène Royal par la proposition qu’elle a faite d’un recours à des “centres d’encadrement militaire” pour y placer de jeunes délinquants en alternative, il est vrai, à leur envoi en prison. Chacun peut comprendre le sens de sa manœuvre visant à s’imposer à l’interne du PS par plébiscite de l’opinion publique prise dans le sens du poil, au mépris des traditions de la gauche républicaine, saisie dans sa pluralité. Voilà qui paraît bien simpliste et diviseur ; ce n’est certainement pas ainsi qu’elle convaincra les militants antilibéraux de ne jamais voter pour elle, non plus d’ailleurs que les “Sarkozystes” tels qu’ils sont confortés par elle en cette occasion.

Pourtant, cette grande dame du parti socialiste n’est pas suicidaire. Ses idées sont assez floues pour qu’elle puisse les aménager, repenser le militaire en souci de rigueur et de discipline, fignoler l’idée d’encadrement en nécessité de structures et ne surtout pas formuler la proposition implicite de “chantiers de jeunesse” militairement encadrés par le régime de Vichy aux ordres du Maréchal Pétain de triste mémoire. Il faudra qu’il n’en reste demain que le sens général d’une préoccupation somme toute légitime de sécurité pour tous. Brutalement, mais non sans habileté, elle joue avec le feu, scie à l’avance l’argumentaire de tout autre candidat qui pourrait être retenu par son parti en dehors d’elle et qui serait dès lors à la merci des munitions gentiment offertes, dès à présent, au discours du candidat de la droite réactionnaire classique, réputée néo-libérale selon le discours en vigueur. Elle a pris la main ! Elle a donné des gages d’engagement ferme et autoritaire à l’opinion qui ne lui interdisent pas de nuancer par la suite. Elle a fait un pari politique qui ne manque pas de fondement dès lors qu’il spécule sur le succès toujours attendu de tout discours sécuritaire en France quelle que soit l’origine de celui qui le tient et l’accommode à la sauce de son fonds de commerce idéologique habituel, qu’il s’agisse de Le Pen, De Villiers ou Sarkozy jusqu’à Ségolène Roayl aujourd’hui et sans oublier Jean-Pierre Chevènement hier. Ici, il faut tout autant examiner la réalité de notre pays que le concept qui la reflète.

Un sentiment d’insécurité dominant

Le succès du thème de la sécurité vient de toute évidence d’un vécu universel d’une insécurité foncière croissante à la base de notre système politique, économique et social. Nos concitoyens ont peur de menaces indistinctes et diffuses où se mêlent sans cesse des éléments de réalité angoissants et sur-médiatisés à leur illustration aggravée comme fiction.

Cependant, alors que le “sentiment d’insécurité” domine dans les quartiers peuplés de citoyens salariés bien intégrés - qu’ils soient ruraux, ouvriers, ou même cadres, commerçants, petits ou moyens bourgeois pour n’épargner que les grands bourgeois bien gardiennés - surprotégés et indifférents aux tourments ordinaires, il s’accompagne d’une "perception directe de l’insécurité subie" dans les quartiers populaires les plus déshéritées des banlieues. Ce sont nos concitoyens les plus démunis et précarisés qui ont à subir la réalité pratique des chapardages, vols, agressions, insultes et incivilités les plus grossières. Il s’ensuit que ceux-là aussi sont sensibles aux réponses simplistes et présumées musclées des orateurs les plus réactionnaires. "Sentiment" d’un côté, "perception" de l’autre, c’est déjà deux états d’être bien différents. Il en est d’autres qui étaient déjà vrais par le passé, il y a trente-cinq à quarante ans de cela, dans certaines banlieues ouvrières déjà particulièrement délabrées et qui se sont généralisés de nos jours.

Alors que les forces de l’ordre sont appelées, attendues et reçues en recours légitime comme forces de rétablissement de la sécurité et de la paix dans n’importe quel quartier ordinaire - ce qui ne peut manquer de leur plaire et convenir -, elles sont vécues comme hostiles et porteuses du paradoxe d’une insécurité maximale par les jeunes et moins jeunes des quartiers les plus déshérités, ce qui ne peut qu’aggraver et compliquer les conditions d’exercice de leur tache et s’y sentir menacées quelle que soit leur manière de la penser. Secours d’un côté, menace de l’autre ; il y a là un problème qui dépasse la seule question politique de la sécurité à la mesure d’un malaise social global. La police est aussi mal aimée dans les quartiers concernés de banlieue que l’idée de justice ou d’État de droit semble n’y revêtir aucun sens quand elle renvoie à la réalité de résidents nationaux, fils ou petits-fils d’immigrés, dépourvus de toute capacité réelle à jouir d’un plein accès à des droits minimaux en matière de formation, travail ou habitat choisis. Ce qu’il faut voir ici, ce n’est pas la seule expression d’une crainte de mise en accusation arbitraire ou individuellement injustifiée pour un délit qu’on n’a pas commis ; c’est plus profondément l’idée ou sentiment diffus d’un complot visant à réprimer et déposséder du territoire du quartier en danger d’occupation policière, comme on pense déjà l’être du pays tout entier à force de s’y sentir étranger. La précarité est aussi et d’abord une forme extrême d’insécurité, mais cela va bien au-delà.

De la sécurité à la liberté

Plus au fond, une lecture théorique du pacte républicain en vigueur dans sa dimension constitutionnelle à la lumière du Chap 8 “De l’état civil” du Contrat Social de Jean-Jacques Rousseau montre aisément que ce que nous appelons "sécurité" est cela même que Jean-Jacques appelait "liberté civile", cette liberté conventionnelle qui est supposée nous être accordée, avec le droit de propriété en prime, en échange de notre "liberté naturelle" éclairée d’un renoncement au droit illimité à tout ce qui tente.

Ce qu’il ne faut pas oublier ici, c’est la précaution prise en toute logique dans le Chap 6 “Du pacte social” où il est écrit que : "le pacte social étant violé, chacun rentre alors dans ses premiers droits et (reprend) sa liberté naturelle, en perdant la liberté conventionnelle pour laquelle il y renonça." C’est du donnant donnant, mais avec cet ennui que, dans la réalité, le système capitaliste dominant en France, conforté par l’idéologie néo-libérale, s’emploie à flouer nos concitoyens les plus misérables de ces droits auxquels ils aspirent en sorte que ceux-ci se trouvent ainsi convaincus d’être dépourvus de toute contre partie probante à leur effort d’intégration dans le pacte républicain.

Ici se trouve la faute théorique et politique de Ségolène Royal dans l’oubli de cet essentiel qui viserait à sécuriser ceux qui en ont le plus besoin en restitution de leurs droits bafoués. Le parti socialiste semble manquer d’imagination progressiste, les alternatifs peuvent l’aider ou le contraindre à en développer à nouveau.
La priorité doit être à la sortie de la précarité : un revenu citoyen universel sans condition, le droit à l’accès à une formation de haut niveau à tout âge, un emploi et, bien sûr des mesures en forme de dispositions de substitution à la prison.

L’armée n’en ayant ni le loisir, ni la compétence, le MGER propose à toute la gauche de réfléchir à la possibilité d’un service volontaire, mixte, civil et civique, régional, encadré par des éducateurs de métier pour une durée de 1 ou 2 ans, financée par l’État en vue d’une activité sociale et humanitaire, protection de l’environnement, santé, culture et solidarité avec les peuples voisins selon les impératifs de chacune des régions, à effet d’insertion à offrir à toute la jeunesse de 18 à 25 ans. Une telle activité serait qualifiante et assimilée à une expérience professionnelle de haut niveau avec prise en charge de cotisations sociales et ASSEDIC par l’État. Rien ne devrait empêcher des juges républicains d’y voir une alternative raisonnable à certaines condamnations sous réserve d’un volontariat préservé.

Par les facilités qu’elle s’accorde sur le dos des plus malheureux au service de ses ambitions politiques, Ségolène Royal ne mérite pas à ce stade de devenir Présidente de la République sous l’étiquette socialiste dont elle se réclame et encore moins sous celle de la gauche tout entière alors que son rassemblement reste nécessaire à une victoire contre la droite en deuxième tour.

En fait, et c’est paradoxalement jubilatoire pour la gauche de la gauche, elle vient de redonner une chance à ce qu’un candidat unique de la gauche antilibérale comme José Bové morde sur l’électorat socialiste pris à rebrousse poil de ses traditions par sa candidate présumée au point qu’il figure parmi les deux premiers à l’issue du 1er tour. Il faudrait pour cela que les “chefs” antilibéraux nationaux deviennent un peu plus raisonnables s’entendent et s’écartent à fin de laisser leur candidat apparaître et gagner, quitte à juger de son choix à l’issue de primaires nationales à organiser d’urgence, pourquoi pas. Il n’est que temps, ni Royal, ni Sarkozy n’attendront, c’est certain !

François Esquer
Porte-parole MGER
Ile de La Réunion


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