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29 juin 2004
L’artiste américain Robert Wilson a offert du 8 au 10 juin au “Nuits de Fourvière”, au théâtre antique de Lyon, une œuvre grandiose avec sa création la plus récente et la plus personnelle : “I La Galigo”.
Le docteur Jean-François Reverzy qui a eu la chance d’assister à ce spectacle musical nous livre ses sentiments sur cette « liturgie magique sublime », adaptation d’un poème épique de l’archipel indonésien des Célèbes.
Il existe des rencontres magiques, initiatiques, qui transforment quelquefois la vie et demeurent en nous. Ce peut être une révolution, l’amour, un livre un concert, un spectacle... Cela j’ai pu le vivre quelquefois : en entendant Ray Charles qui vient de disparaître, lors d’un concert à Lyon dans les années 65, ou au parcours initiatique où nous entraînait Engel, dans un train de banlieue Nord de Paris, des gares et des friches industrielles en 1981.
J’ai connu le même bonheur - que je qualifierais de quasiment extatique - en assistant à “I La Galigo”, qui a été jouée trois jours seulement en France, au théâtre romain de Fourvière avant de poursuivre à Ravenne et Barcelone. Il faut dire que l’ancienne capitale des Gaules, en cette fin de printemps, s’était ornée d’une parure magique, ayant parsemé ses fontaines et ses places d’une centaine de statues de Lions de résine grandeur nature décorés chacun par un artiste de la région ou d’ailleurs... Ce lieu que je connais bien est aussi un haut lieu de la Ville qu’elle domine.
Avisé de ce spectacle par un article du “Monde” paru en mars, j’avais pris soin de réserver des places, longtemps à l’avance et nous nous y retrouvâmes, le 10 du mois, avec Hervé de Cotter, un ami mauricien qui vit à Lyon, et Bruno Testa. Ce dernier partagea mon sentiment et évoquant ces moments de grâce me parlait de la chance qu’il avait eu de voir “Le mahabaratta” monté par Peter Brook, il y a une quinzaine d’années, dans une carrière de Provence : la pièce commençait au coucher du soleil d’été et se terminait au lever du jour.
“I La Galigo” demeure l’événement culturel le plus important de ces deux dernières années : présenté à Singapour l’an dernier dans le nouveau théâtre de L’Esplanade qui veut concurrencer l’opéra de Sydney, il a connu un succès exceptionnel et s’est joué à guichets fermés. Il est vrai que, si les amateurs du Monde entier célèbrent Robert Wilson et Peter Brook comme les meilleurs metteurs en scène du théâtre expérimental et de l’art contemporain, ces amateurs sont malheureusement des “happy few” et non le grand public, et que l’accès à ces représentations est très limité. Il ne s’agit plus là vraiment de théâtre mais d’une exploration sans cesse renouvelée, de l’espace, du temps, du son et de la voix, du corps et de l’œuvre plastique, une célébration d’art total.
Bob Wilson s’en exprimait d’ailleurs ainsi dans une interview donné à l’IRCAM (institut de recherche et de coordination acoustique/musique) : "Opéra, en latin, cela veut dire “œuvre” ou “opus”. Pour moi, il s’agit d’une installation dans l’espace, avec des textes enregistrés, des sons. Dans mon esprit, les choses sont beaucoup plus mélangées. La différence entre une chaise et une sculpture tend à s’effacer au profit de la sculpture. Quand on parle d’“opéra”, on pense généralement à un répertoire restreint que nous, en Occident, avons l’habitude d’identifier par ce terme. Une des faiblesses de l’opéra et du théâtre occidental aujourd’hui, c’est qu’ils ont été attachés, liés à la littérature. Nous pensons que la pièce, c’est la littérature, le mot".
"J’ai eu l’occasion, l’an passé, de voir une fille de quinze ans chanter un air du répertoire de l’opéra de Pékin", rajoute-t-il, "elle connaissait plus de sept cent cinquante manières de bouger la manche de son costume. Presque chaque année, à Noël, je vais à Bali ; j’ai eu là aussi l’occasion de questionner une jeune danseuse sur les mouvements de ses yeux : elle en distinguait plus de trois cent soixante-quinze... C’est un vocabulaire, un lexique d’une immense richesse".
“I La Galigo” a marqué dans son œuvre une exception supplémentaire en y célébrant un texte fondamental du patrimoine universel : le texte sacré des Bugis (NDLR : prononcer Bouguiss, nous dit-on), l’un des peuples les plus anciens d’Indonésie et originaire du Sud de Sulawesi (Île des Célèbes) qui a essaimé aussi sur tout le pourtour de l’Asie. Il existe à Singapour une célèbre rue des Bugis...
Originaire du Texas et formé à New York, il a fait l’apprentissage de tous les arts majeurs : arts plastiques, architectures, chorégraphie, mise en scène. Sa première production à New York qui le rendra célèbre en 1969 sera “La vie et le temps de Sigmund Freud” crée à l’académie de musique de Brooklyn ; mais c’est à Paris qu’il crée en 1971 “Le regard du sourd”, un opéra muet joué par Robert Andrew, un jeune sourd-muet afro-américain qu’il avait par ailleurs adopté.
Cette pièce fera découvrir Robert Wilson au public français. Il sera en particulier célébré par Louis Aragon qui le considérait alors comme un successeur du Surréalisme. Chaque année une nouvelle création mondiale était présentée au festival d’automne de Paris : “A letter for the queen Victoria” (1980) et surtout “Einstein on the beach”(1982-85), un opéra fleuve de six heures d’affilée sans entracte, dont Phil Glass a composé la musique. J’ai assisté à toutes ses représentations.
Robert Wilson a ensuite poursuivi à la fois la création de ces événements personnels, mais a multiplié les mises en scènes théâtrales (dont les récentes “Fables de Lafontaine” à la Comédie française) d’opéra : Luigi Nono, Wagner, Donizetti. Il est aussi écrivain et plasticien et a créé dans le New Jersey un centre de recherche en art contemporain. Il a créé de plus le Watermill Center à Long Island, fondation de rencontre , de recherche et d’aide aux jeunes artistes contemporains financée par des dons : c’est d’ailleurs là que la troupe indonésienne a mis en place le spectacle.
Ce nom est celui d’un héros des Bugis, La Galigo, figure légendaire aux milles aventures. Le spectacle met en scène l’univers des Bugis, un peuple de 5 millions d’habitants fixé dans le Sud des Célèbes et qui représente le huitième groupe culturel de cet archipel peuplé, il faut le rappeler, de plus de 200 millions d’habitants... Les Bugis sont les dépositaires de l’une des cultures les plus anciennes de ce monde proto malais, qui, il faut le rappeler ici a peuplé une grande partie de la planète : le Pacifique, l’Asie centrale, le continent américain du Nord au Sud et Madagascar. Les langues dérivées du proto malais sont en nombre les plus importantes de la planète...
“Sureq Galigo” est la bible des Bugis : un ensemble de plus de 7.000 manuscrits, transmis sur un mode initiatique par voie orale puis par une écriture phonétique propre aux Bugis. C’est une véritable somme de l’existence : histoire, religion, musique, etc. Les Bugis ont été le premier peuple indonésien converti à l’Islam. L’intelligence des émissaires musulmans, de culture soufie, aura été d’intégrer la religion traditionnelle à l’Islam, sans la rejeter. Le dieu suprême traditionnel ancestral, analogue à la figure d’Andrianamitra ou de Zanaar dans la culture malgache, sera identifié comme l’Allah du Coran ou le héros Sawérigading comme une figure du Prophète Mahomet... “I La Galigo” raconte précisément la naissance du Monde,des Dieux et des hommes.
Le Dieu suprême et unique Patatotoqé créé trois mondes, le Monde d’en Haut, le Monde d’en Bas et le Monde du Milieu, le royaume de Luwuq (l’espace historique des Bugis à Sulawesi) qui va être peuplé par les créatures animales et végétales. Le Dieu suprême ordonne à son fils Batar Guru de descendre dans le Monde du Milieu et de s’unir à We Nilliq Timok, fille du Dieu du Monde d’en Bas.
Leurs serviteurs les rejoignent et peuplent le Monde du Milieu. Mais le couple royal demeure stérile et les prêtres Bissu - le clergé chamanique Bugis - qui sont des travestis ordonnent des sacrifices sanglants et "Le sang coule comme une rivière" : deux jumeaux “dorés” (NDLR : adultères en langue bugis) naissent de ces noces divines, un frère et une sœur, Sawérigading et Wé Tenriabeng. La Déesse du riz fertilise le Monde du Milieu. Dès avant leur naissance, les jumeaux s’aiment passionnément.
Devenus adultes, ils sont toujours la proie du même désir. Le Dieu suprême leur signifie qu’il est interdit de s’aimer entre frère et sœur et que l’inceste est une loi suprême. La jeune femme dit à Sawérigading qu’il doit épouser sa cousine la fille du roi de Cina : I We Cudaiq, aussi belle qu’elle-même et dont il peut contempler l’image dans l’ongle de son pouce. Sawérigading abat alors Welenrengé, le grand arbre sacré qui traverse les trois mondes, il construit un grand navire et part sur l’océan vers le royaume de Cina... De l’union difficile avec la princesse, hautaine, méprisante et qui refuse de le voir naît un nouvel héros : I La Galigo qui engendrera la race des hommes... Au terme de l’action, le Dieu suprême procède à la purification du Monde du Milieu qui est vidé de ses habitants.
Séduit par la culture balinaise et bugis qu’il avait rencontré à Bali, Bob Wilson va concevoir cette œuvre avec Rhoda Grauer, un anthropologue qui avait réalisé un film sur les rites des prêtres Bissu et Restu Kusumaningrum, un chorégraphe indonésien. Le directeur artistique a parcouru tout l’archipel pour sélectionner les soixante acteurs du spectacle : tous musiciens, chanteurs, danseurs. Rahayu Suppangah, un compositeur indonésien a de même recueilli mélodies et rythmes des bugis mais aussi des peuples voisins dans une synthèse musicale. Il y a là une gageure analogue à celle du Mahabaratta mis en scène par Peter Brook : représenter dans un espace-temps limité la quintessence d’un univers symbolique dans sa totalité, et cela pour le public de la planète.
Cette réalisation, malgré certains commentaires détestables (je pense en particulier à celui d’une journaliste du quotidien “Libération”) dépasse toute attente : il ne s’agit ni d’une pièce, ni d’un opéra exotique, mais d’une liturgie magique sublime, où le talent de l’artiste à composer des tableaux dépouillés et raffinés nous font pénétrer dans une histoire qui devient aussi notre histoire à tous : l’amour impossible, l’interdit de l’inceste, la création, la destruction et la renaissance du Monde et de l’Homme : ombres, hommes à visage d’animaux, animaux messagers des dieux et de la rédemption - oiseaux de rêve, chats dont les longues queues portent des étoiles - grand navire dont les rameurs sont les mouvements des acteurs suggère la navigation sur l’Océan de la Nuit... Féerie cosmique que scande la mélopée d’un chaman récitant.
Chaque geste, chaque seconde d’une danse qui va de la voix au corps et du corps à l’image est un enchantement bouleversant. On pense à la proximité de ces symboles avec ceux de l’univers malgache et le grand navire de Sawérigading nous renvoie aussi à ces navigations fabuleuses qui ont conduit selon l’hypothèse actuelle le peuplement de Madagascar à partir de l’Indonésie...
En redescendant la colline de Fourvière à deux heures du matin, après quatre heures de communion intense et continue, sans entracte, nous étions tous nostalgiques. Quand cet événement se reproduira-t-il ? Sera-t-il un jour présenté à La Réunion ? On rêve de la voir ici, quelque part et pourquoi pas, bien dans le cadre de la future Maison des cultures et des civilisations ? Ou à Antananarivo sur l’esplanade du Rova...
Jean-François Reverzy
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