Une autre vision du monde est possible

18 octobre 2004

La Journée mondiale du refus de la misère a été célébrée hier. Elle permet de nous rappeler que dans le monde, les inégalités ont largement dépassé le seuil de l’intolérable.

Au moment où vous terminerez la lecture de cette ligne, le monde comptera une victime de plus de la famine. C’était probablement un enfant né de parents pauvres et analphabètes dans un pays en voie de développement où ces derniers n’ont presque aucun droit. Et dire que dans ce même monde, il y a plus d’un milliard de personnes dans les pays riches qui sont considérés comme chroniquement obèses.

Les inégalités ont atteint des niveaux jamais connus : la fortune des trois individus les plus riches du monde dépasse la richesse cumulée des habitants des 48 pays les plus pauvres... La souillure écologique du monde riche sur la biosphère s’est aussi accentuée. Alors que la trentaine de pays les plus développés représentent 20% de la population mondiale, ils produisent et consomment 85% des produits chimiques et synthétiques, 80% de l’énergie non renouvelable, 50% de l’eau douce. Et leurs émissions de gaz à effet de serre par habitant, comparés à celles des pays du Sud, sont dix fois plus élevées. Au cours de la décennie écoulée, les rejets de gaz carbonique, cause principale du réchauffement climatique, ont augmenté de 9%... Ceux des États-Unis, premier pollueur de la planète, ont crû, durant la même période, de 18% ! Plus d’un milliard de personnes continuent à ne pas disposer d’eau potable, et prés de trois milliards, la moitié de l’humanité, consomment une eau de piètre qualité. À cause de l’ingestion de cette eau polluée, 30 000 personnes meurent quotidiennement. D

211 millions d’enfants contraints de travailler

ans un monde où la libre circulation des capitaux et des marchandises est désormais globalement assurée, les industries des pays du Sud ne peuvent maintenir leur place sur le marché qu’en jouant au maximum du seul domaine dans lequel elles restent largement compétitives : le faible coût de leur force de travail. Ce qui fait que plus de 211 millions d’enfants sont contraints de travailler. Plus d’un demi-milliard vivent avec moins de 1 francs par jour. 28.800 enfants meurent de faim quotidiennement, un toutes les trois secondes !!!
Les forêts continuent d’être dévastées, 17 millions d’hectares disparaissent chaque année. Par ailleurs, 6.000 espèces animales sont exterminées. Une extinction massive menace (13% des oiseaux, 25% des mammifères, 34% des poissons) comme la Terre n’en a jamais connu depuis la disparition des dinosaures...
L’énergie, la protection de l’environnement, sont devenus les plus gros marchés au monde. La logique économique est allée encore plus loin : les pays riches comme les grandes entreprises s’achètent des permis de polluer. La Terre est devenue une commodité qui se vend au plus offrant, le monde est devenu une marchandise. Le transfert de savoir et des technologies vers ceux qui en ont le plus besoin ne s’est jamais concrétisé. De Vivendi à Enron, les scandales se multiplient alors que la planète et les pauvres continuent à souffrir atrocement. L’absence à Johannesburg du président du pays qui pollue le plus la planète, occupé à nettoyer le monde des "menaces des forces du mal" et, surtout, à rehausser sa popularité suite à de multiples bévues, nous rappelle aussi que nous vivons une hypocrisie et une trahison à l’échelle mondiale : les dictatures et les guerres broient tous les jours des centaines de milliers d’êtres humains sous la répression, la torture et les bombes... des peuples affamés au vu et au su de tous pour la "très juste cause"... et les intérêts des grandes puissances... des peuples entiers filmés et livrés à eux-mêmes : Bosnie, Rwanda, Kosovo, Tchétchénie, Irak Afghanistan, Palestine... Une folie. Là-bas comme ici d’ailleurs, avec ces millions de chômeurs jetés puis écrasés sur le bord de la route malgré la croissance autrement chiffrée des économies... l’alcool et la drogue et tous ces nouveaux paradis pour les emprisonnés en liberté...

On entretient la peur

La mondialisation qu’on nous propose s’appuie sur une logique du primat de l’économie, une technologie au service de la finance et de la consommation, une consommation portée par l’ordre publicitaire, un ordre publicitaire lui-même soumis à la productivité et à l’efficience économique... la boucle est bouclée.
Après les attentats du 11 septembre, la guerre contre le terrorisme, l’attaque contre l’Afghanistan et l’Irak, la répression féroce des Sharon et des Poutine, le regain de la violence au Moyen-Orient, les attentats au Yémen ou en Indonésie, on reste dans l’expectative quant aux réelles intentions de l’administration américaine dans ces pays. Le monde s’emballe : on entretient la peur... La lutte contre le terrorisme justifie les pires excès orchestrés par de nouveaux spécialistes dont la fonction officieuse est de jeter de l’huile sur le feu afin d’accréditer les politiques sécuritaires officielles.
La division du monde en axes du Bien et du Mal, la stigmatisation de pays entier, qui englobe aussi leur population, sont de nature à attiser les fanatismes racistes, nationalistes et religieux, à priver les gens de leur aptitude à percevoir la réalité vivante de manière nuancée et du discernement nécessaire pour comprendre que la diversité culturelle et la différence ne sont pas un malheur, mais au contraire une richesse pour tout le monde et que sur le long terme il est de l’intérêt même des "puissants" de ce monde de l’envisager comme un tout dont la diversité fait la beauté et la richesse. On est déjà un fondamentaliste quand on proclame que sa propre culture est la seule vraie.

Agir pour résister

Au-delà de l’énoncé de ce sombre portrait général, il faut pourtant s’interdire les conclusions hâtives, les amalgames et les raccourcis. Si l’on veut agir adéquatement, si l’on veut pouvoir faire "quelque chose", il est de première importance de ne pas se laisser emporter par l’émotion qui mélange tout et rejette sans discernement.
Cette première approche est le passage obligé de celles et de ceux qui veulent agir pour résister à un ordre du monde responsable de tant d’injustices et qui institue une logique pernicieuse de la violence symbolique ou physique. Sur le plan économique, politique ou culturel, il est grand temps que notre conscience se réveille et propose les voies d’une alternative face à l’hyper puissance américaine.
La politique de suivisme totalement chaotique et en rang dispersé à laquelle nous assistons aujourd’hui est propre à nous mener directement à la catastrophe : il n’existe plus de contrepoids à l’hégémonie américaine. L’absence de consistance de la "position de l’Europe" dans tous les dossiers économiques et politiques brûlants est de plus en plus criarde : Peut-on espérer un sursaut ? Les citoyens se plaignent de constater la construction d’une Europe qui n’est qu’économique et bien peu politique ou sociale. L’absence de politique étrangère commune, la logique sécuritaire toujours plus renforcée, l’augmentation généralisée du chômage... On est en droit de se demander quels étaient les objectifs de sa construction : un nouveau marché compétitif ou l’expression d’une nouvelle identité, ouverte, dynamique, pour permettre le pluralisme culturel au cœur même de l’Occident ? Il suffit de constater le problème que pose la Turquie pour évaluer les suffisances.

Une éthique citoyenne

Il appartient aujourd’hui aux citoyens européens, à tous les citoyens européens, de se saisir ce dossier et d’offrir une alternative à la seule logique du marché ou à la mentalité d’Empire industrialisé se protégeant de l’immigration des pauvres, des clandestins... des nouveaux "hors la loi". Il est de première importance que la dynamique européenne soit endogène, l’île de La Réunion ne peut se soustraire à cette synergie...et déjà des forces de résistance citoyenne sont en train d’émerger : des dynamiques se sont mises en branle que le Forum social européen, par exemple, tente de coordonner et d’amplifier. Il est de notre devoir d’intégrer ces mouvements et d’y apporter le concours de notre vision, de notre éthique, de nos espoirs et de notre engagement sur le plan social, politique, économique ou culturel.
La vision unitéraliste des États-Unis doit trouver sur sa route des voies de résistance : il nous faut exprimer clairement notre refus de la politique de suivisme aveugle et l’engagement inconséquent dans la guerre. En métropole, à La Réunion, en Italie, en Espagne, et même en Angleterre comme aux États-Unis, des mouvements de solidarité avec les peuples opprimés de Palestine, de Tchétchénie, d’Irak ou du Tibet se mobilisent et appellent à plus de justice...
Nous devons participer à l’émergence d’une conscience universelle prônant une éthique de l’engagement social, politique, économique... Une éthique citoyenne au sens large, fondée sur les valeurs communes et le partenariat multilatéral et multidimensionnel. Les Réunionnais possèdent les valeurs de cette double contribution. Préserver le pluralisme au cœur d’un combat mené au nom des valeurs communes affirmant la dignité humaine, et être les témoins d’un message qui pour mener à la paix, affirment avec force et conviction qu’une autre vision du monde est possible : parce que l’on a décidé de ne pas s’oublier en oubliant son humanité, parce que l’on a décidé d’être solidaires en résistant dignement devant l’indigne.
Le devoir de résistance est l’exacte réalisation de ce témoignage, conscient que l’on n’est jamais aussi prés de Dieu que lorsqu’on lutte contre l’inhumanité des hommes. Avec cœur, au nom du droit.

Présence musulmane


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