Vanille : voyage insolite au paradis d’une orchidée sublime

17 juillet 2021

Va-t-on laisser mourir la célèbre vanille de La Réunion ?

T. R. Shankar Raman, CC BY-SA 4.0 <https://creativecommons.org/license...> , via Wikimedia Commons

On vient enfin de s’apercevoir que le destin de l’homme n’est plus de mettre la nature en esclavage mais au contraire de devenir lui-même le serviteur d’un processus millénaire et durable. La Nature, ses mystérieuses et innombrables interactions, ses comportements subtils, son évolution, sa dynamique, sont les fondements de la vie elle-même. Aujourd’hui, la seule chose qui nous reste à faire pour profiter des miracles de la Nature, c’est d’entrer dans ce monde trop longtemps ignoré. Alors, ébahis devant sa prodigieuse diversité, efficacité, imagination, productivité, qualité, nous serons enfin capables de construire un Monde meilleur.

J’en veux pour preuve nombre de découvertes ou redécouvertes récentes et les résultats surprenants de pratiques agricoles nouvelles, revisitées ou tout simplement retrouvées [1]. Il ne faut tout de même pas oublier que pendant plusieurs centaines de milliers d’années, l’espèce humaine a dû sa survie à son art de prélever et d’améliorer les fruits de la Nature et cela, sans la détruire. Ce n’est malheureusement plus le cas aujourd’hui.

À l’île de La Réunion, on est très fier d’avoir préservé près de la moitié du territoire au profit d’une nature plus ou moins intacte. On oublie trop vite que l’on doit cela, en très grande partie, à l’inaccessibilité des nombreux cirques et remparts dont nous sommes si fiers. On oublie le saccage par l’homme de toute la nature des bas, beaucoup plus accessible et dont il ne nous reste quasiment plus aucune trace. Où sont passées les forêts de l’Ouest, les tortues terrestres, les perroquets, les flamants roses de l’étang de St. Paul, etc. ?

Je n’ose parler des minuscules couloirs de nature qui, grâce à des générations de cultivateurs, persistent dans l’Est et le Sud sauvage. Il s’agit de la culture ancestrale sous-bois de la vanille. Mais, même ce petit reliquat de nature est menacé. Ce qui va le sauver, c’est la conjonction de l’amour du métier avec l’observation attentive de certains processus naturels un peu oubliés. On vient en effet de s’apercevoir qu’à long terme, la qualité et les rendements de la culture de la vanille en forêt, étaient bien supérieurs à la culture moderne de cette même orchidée sous ombrière [2]. Il s’agit bien entendu d’un calcul global des rendements incluant les retombées sociales, écologiques, environnementales, autant que les retours sur investissements qui sont bien supérieurs. Il ne faut pas oublier non plus la très grande vulnérabilité de la culture sous ombrière qui peut voir anéantie une année de travail alors qu’une culture durable et maitrisée en agroforesterie, est beaucoup moins sensible, tant à l’attaque de parasites ou de maladies (anthracnose et fusariose en particulier) qu’aux dégâts provoqués par les cyclones ou les dérèglements climatiques [3]. Il est par ailleurs important de préciser que tous les spécialistes sont d’accord pour dire que l’avenir de l’économie réunionnaise repose, non sur les quantités produites mais sur la qualité de ce qui est produit. Le café, le géranium, le cacao, le conflore et bien d’autres productions locales sont en train de le démontrer. Dans ce domaine, la vanille cultivée en agroforesterie et qui obtient de nombreuses reconnaissances sur le marché international [4], confirme la qualité du produit et donc son avenir commercial.

Oui, mais voilà, il y a des petits secrets que l’homme moderne ignore. Même cette forêt-là est dégradée. Certains arbres exotiques sont trop touffus et leur ombre excessive empêche la vanille d’atteindre son plein développement. Alors, je vous livre le secret d’une belle vanille en agroforesterie : C’est de préserver ou reconstituer la forêt d’origine de bois de couleur. Au sein de ce biotope et de ses grands équilibres, c’est là que notre vanille est la plus belle. L’expérience le démontre, ce couvert forestier qui laisse entrer la lumière, est le milieu qui convient le mieux à ce végétal d’exception. Et je ne parle pas de l’humus forestier naturel, celui qui permet de nourrir la plante de façon optimum et de lui donner les qualités exceptionnelles aujourd’hui reconnues.

En conclusion, je dirais que l’on comprend mal la politique actuelle concernant le développement de cette filière. Il ne faut tout de même pas oublier que 90 % de la vanille produite à La Réunion provient de la culture sous-bois de ce végétal, qu’en 27 ans, l’aide de l’État pour cette filière concernait presque exclusivement la culture sous ombrière dont les résultats sont contestables et même très décevants. Il faut également rappeler que si la production actuelle atteint difficilement 4 tonnes par an (alors que la seule consommation locale annuelle atteint 14 tonnes), notre île a produit dans le passé jusqu’à 200 tonnes de vanille par an en sous-bois ! Enfin, il nous paraît très regrettable et même scandaleux que les producteurs traditionnels de vanille, quasiment les seuls sur l’île capables de préserver les quelques hectares de forêts tropicales des bas qui nous restent, ne bénéficient d’aucune aide de l’État

Pour le Syndicat des producteurs réunionnais de vanille en agroforesterie,

François-Michel Maugis

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