’Vous avez dit bureaucratie ?...’

19 septembre 2005

Extraordinaire tout de même ce qui vient de se passer à la Rue Jacot l’Etang-Saint-Paul. Dimanche dernier, les habitants de ces deux quartiers, qui vivent le long de l’Etang et dont les cours et même les cases avaient été envahies par les eaux, manifestaient. La raison de leur colère - tout à fait justifiée - était des plus simples : un barrage naturel s’était formé à l’embouchure de l’Etang empêchant l’écoulement des eaux à la mer.

C’est là un problème, soit dit en passant, qui ne date pas d’aujourd’hui, avec même de graves conséquences en périodes cycloniques.

Il y a très longtemps, sous le mandat d’Evenor Lucas, la mairie s’occupait à maintenir l’embouchure ouverte permettant à l’eau de s’écouler, et à la moindre alerte, une équipe municipale s’occupait à faire un chemin à l’eau. Les canotes des pêcheurs de l’Etang pouvaient d’ailleurs faire franchir le passage et venaient s’amarrer sur la berge ; là d’ailleurs ou se trouve aujourd’hui la base nautique. Sous la mandature du Dr Serveaux, cela s’est poursuivi.

Sous la mandature de Paul Bénard, plus tard encore, cela s’est plus ou moins poursuivi, le maire, ne s’embarrassant pas de procédure, envoyait un “Poclain” déboucher l’embouchure lorsque cela était nécessaire. Jusqu’au jour où quelqu’un, avec l’accord de la mairie, s’est mis dans la tête de faire une base nautique dans l’Etang. Bin oui, La Réunion avait une championne de ski nautique ! La Réunion étant une île de champions, il lui fallait ce qu’il fallait ! L’ennui, c’est que pour pouvoir skier, il faut un certain niveau d’eau, et du coup, on s’est moins occupé de l’embouchure, laquelle s’est au fur et à mesure déplacée vers l’ouest, en direction de Saint-Paul. Contre-coup, le niveau de l’Etang en amont a commencé à monter, jusqu’à chatouiller les riverains ; les pensées d’eau - qu’on appelle aujourd’hui “jacinthes” parce que “pensées” cela faisait trop local - se sont entassées jusqu’à obstruer tous les canaux et même tout le plan d’eau.

L’Etang est alors devenu un “site protégé” ; sont arrivés, les Eaux et forêts, le Département et tous les écologistes dont la densité au mètre carré dans la région de Saint-Gilles avoisine et dépasse celle des moustiques à l’Etang et à la Rue Jacot, ce qui n’est pas peu dire.

Résultat, lorsque l’embouchure de l’Etang se bouche, comme c’était le cas la semaine dernière, les choses se compliquent. Ce que l’on réglait d’un coup de “Poclain” il y a trente ans devient aujourd’hui un véritable casse-tête administratif.

Il faut d’abord alerter le maire, puis le sous-préfet, puis les Eaux et forêts, le Département et même les affaires maritimes, sans oublier, bien sûr, les écologistes (il est heureux que l’on n’ait pas pensé à faire venir une mission de la commission européenne !) ; puis convenir d’une date à laquelle les réunir, puis les réunir, ce qui n’est pas une mince affaire - tout cela a mis plusieurs jours, cela se comprend : l’eau n’était pas dans leur cour ! Et enfin, prendre une décision, qui n’a pas été des plus simples, car il fallait tenir compte des compétences des uns et des autres, et donner à tous entière satisfaction : évacuer le trop plein d’eau, mais point trop n’en faut ! Evacuer l’eau, et seulement l’eau, surtout pas les pensées d’eau : les affaires maritimes n’en voulaient pas (vous voulez parier que l’on a mis en avant la sécurité de la navigation maritime ?) ; les écolos non plus, car ces nappes de pensées d’eau ont une fâcheuse tendance à retenir les alevins, les petits poissons et autres micro-organismes, et on connaît toute l’importance de ces derniers dans la vie même de la planète... les œufs et larves de moustiques également, mais de cela personne n’en a parlé. Donc pas question d’envoyer tout cela à la mer. D’où la solution de mettre une corde en travers de l’embouchure avant de l’ouvrir : que chacun garde ses saletés chez soi !

... Non !... Bureauconnerie !

... Et pendant tout ce temps-là, les riverains de l’Etang et de la Rue Jacot - des hommes, des femmes, des enfants, car ce ne sont pas des petits cabots ni des micro-organismes, mais tout simplement des êtres humains - eux, pataugeaient, avec leurs cours transformées en frayères à moustiques... Le chikungunia, vous connaissez ?...
Pardon, vous m’avez dit quelque chose ?... Comment ?... Bureaucratie ?
Non ? Bureauconnerie ?... C’est bien ce que vous m’avez dit là ?... Non ! Je ne connais pas ce mot-là... mais il doit bien correspondre à cela !

Georges-Marie Lépinay


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus