Rapport de la Cour des comptes : « Gérer les enseignants autrement » — Partie II
La Cour des comptes propose aussi le moratoire !
31 mai 2013
Dans notre édition de la semaine dernière, nous relations les conclusions de l’enquête rendue publique par la Cour des comptes sur le système scolaire français. Retour aujourd’hui sur un point précis, le recrutement.
L’introduction du rapport de la Cour des comptes faisait état d’un contexte marqué par trois indicateurs alarmants :
— Le très mauvais classement de La France dans la liste des pays membres de l’OCDE pour les performances de ses élèves (18/34), ainsi que le fort impact de l’origine sociale des élèves sur leurs résultats avec une tendance à l’aggravation.
— Un manque d’attractivité du métier d’enseignant. Depuis deux ans l’État rencontre des difficultés à recruter pour certaines matières, comme l’anglais ou les mathématiques.
— Et pourtant, La France engage autant sinon plus de moyen que les pays où les élèves réussissent le mieux.
Ainsi, les moyens mis dans l’éducation en France ne sont pas à l’origine des résultats en constante baisse. La Cour des comptes pointe du doigt la gestion du personnel enseignant. À travers une enquête menée dans 5 académies, avec des comparaisons avec les pays qui réussissent le mieux, elle tente de mettre en exergue ce qui pose problème. L’un des trois grands axes abordés et peut-être celui qui nous touche le plus est « la gestion de masse uniforme et inégalitaire ».
Un système de recrutement obsolète et pénalisant
— Des gestionnaires de personnel insuffisants
D’abord, le rapport remet en cause la gestion du personnel enseignant par les rectorats et les DASEN (directions académiques des services de l’éducation nationale), car leur effectif est trop insuffisant pour le nombre de cas à traiter (1 gestionnaire pour 143 agents contre 1 pour 34 agents dans le ministère de la Défense par exemple).
Dans ce contexte, ils sont contraints de passer par un « traitement uniforme ignorant les particularités des élèves et des enseignants. » Les besoins des élèves ne peuvent pas être identifiés, et les zones prioritaires et structures spécialisées mises en place (ZEP, SEGPA…) ont montré leur limite. Surtout que la définition de certaines zones prioritaires est basée sur des critères sociaux, mais ces derniers ne sont pas toujours en corrélation avec la difficulté scolaire. Ainsi, les zones qui mériteraient d’être les plus dotées ne le sont pas. Par exemple l’académie de La Réunion, qui connait un très fort taux d’illettrisme, fait partie des moins dotés en professeurs des écoles.
— Des critères de mutations illégaux et inefficaces.
Est aussi fortement critiqué le système de « barème » utilisé pour le recrutement des enseignants. Les enseignants ne sont pas choisis en fonction de leurs compétences ou des réels besoins des élèves, mais d’après des données informatiques. À partir de là, difficile d’avoir de meilleurs résultats !
Les critères pris en compte pour les mutations sont en premier lieu l’ancienneté, puis des critères d’ordre personnel comme le rapprochement de conjoint, le handicap, ou encore la situation familiale. Cela a pour cause de desservir les nouveaux enseignants, qui se retrouvent systématiquement sur des postes difficiles. De plus, cela provoque des demandes massives de mutation, et par conséquent des équipes pédagogiques très instables, dans des zones où les élèves sont le plus en difficulté et méritent donc, à contrario, des enseignants plus expérimentés et plus de stabilités.
« 65% des enseignants débutants sont affectés chaque année en établissement « difficile » ou sur une fonction de remplaçant. Dans les établissements ECLAIR de l’académie de Versailles, 65% des enseignants ont moins de 10 ans d’ancienneté et seulement 21% plus de 15 ans d’ancienneté... 84,6% des enseignants de l’académie de Créteil ont été renouvelés entre 1999 et 2006 et 67,5% de ceux de l’académie de Versailles. » Ces affectations par défaut et les mutations massives qui s’en suivent se font au détriment des élèves.
Ce système de barème, cher aux syndicats, basé sur l’ancienneté et les critères familiaux a été, à plusieurs reprises, condamné par le Conseil d’État. (texte en gras et pas inter)
Seuls quelques établissements recrutent leur enseignant selon « sur profil », suite à un entretien avec le chef d’établissement. C’est le cas ici des classes de lecture, ou des établissements dits « ECLAIR » qui commencent à le faire.
Des recommandations correspondantes à notre moratoire
Les deux points examinés montrent, à eux seuls, les grandes contradictions qui existent dans le système scolaire français. Elles engendrent les énormes difficultés qui ne se résorbent pas depuis une dizaine d’années. Cela doit absolument changer et des propositions sont faites.
À La Réunion, nous sommes doublement pénalisés par ce système, et l’une des recommandations préconisées nous touche particulièrement. Il s’agit de la suivante : « Organiser à l’échelon académique, sur la base d’épreuves nationales, le recrutement des enseignants du second degré, pour les disciplines aux effectifs les plus importants ». Cette proposition correspondant à peu de chose près à notre moratoire, où nous demandons, ni plus ni moins, que le recrutement des enseignants pour notre académie se fasse ici.
Julie Pontalba
Quelques-unes des recommandations Affecter les enseignants en fonction de la réalité des postes et des projets d’établissement : -- Autoriser les affectations de professeurs des écoles au collège et d’enseignants du second degré à l’école primaire, quand elles sont utiles pour assurer la continuité de la scolarité entre l’école primaire et le collège(« école du socle ») ; -- Affecter les professeurs agrégés en lycée général et technologique et non en collège ; affecter les professeurs de lycée professionnel en lycée professionnel et non au collège, à l’exception des disciplines professionnelles de l’enseignement adapté ; -- Instituer, dès la formation initiale, la bivalence ou la polyvalence disciplinaire de l’ensemble des enseignants du second degré intervenant au collège ; -- Ouvrir la possibilité, pour les enseignants déjà en fonction, d’opter pour l’enseignement de deux disciplines ; — Organiser à l’échelon académique, sur la base d’épreuves nationales, le recrutement des enseignants du second degré, pour les disciplines aux effectifs les plus importants ; — affecter les enseignants, après prise en compte des critères légaux et sur avis du directeur d’école ou du chef d’établissement, en fonction de l’adéquation de leurs compétences et de leur parcours avec les besoins des élèves et le projet de l’école ou de l’établissement. Assurer une gestion de proximité : — Mettre en place un système de mesure et d’analyse assurant une connaissance précise et fiable des besoins des élèves ; -- doter les établissements en postes d’enseignants sur la base d’un forfait par élève modulé en fonction de leurs besoins ; — dans les académies, organiser une gestion de proximité des ressources humaines, commune au premier et au second degré, en s’appuyant sur les établissements et les bassins d’éducation et de formation ; - mutualiser, par bassin, les moyens en gestionnaires des écoles et établissements. |