Michèle Marimoutou, historienne

« Beaucoup de Réunionnais ont un ancêtre qui est passé par les lazarets »

24 novembre 2008, par Manuel Marchal

Chercheuse en Histoire, Michèle Marimoutou est une des chevilles ouvrières de l’exposition permanente qui sera inaugurée vendredi et ouverte à tous samedi aux lazarets de la Grande Chaloupe (voir page 8). Quotidiennement, plusieurs dizaines de milliers de personnes passent à quelques dizaines de mètres de ce qui fut la porte d’entrée de La Réunion pour beaucoup de nos ancêtres, un « endroit fédérateur » de la mémoire réunionnaise.

Michèle Marimoutou, comment les lazarets de la Grande Chaloupe ont contribué à la construction de l’identité réunionnaise ?
- Les solidarités se sont d’abord forgées pendant le voyage, sur le bateau. Les lazarets étaient des lieux d’enfermement, et d’où que venaient les immigrants, ils étaient sous le contrôle d’une hiérarchie commune. La communication se crée autour de lieux centraux.
Entre les Indiens, les plus nombreux, les contacts se font. Ils sont plus difficiles entre originaires d’Afrique et de l’Inde. Mais tous les engagés avaient comme point commun d’être à l’isolement dans ce lazaret, ainsi que les passagers libres venant d’un bateau où un problème sanitaire avait été signalé.

Michèle Marimoutou rappelle que la quarantaine, c’est-à-dire l’isolement entre quatre murs, était le premier contact avec La Réunion pour beaucoup de nos ancêtres.

Peut-on dire que tous les Réunionnais ont un ancêtre qui est passé par la quarantaine des lazarets ?
- Les lazarets étaient la porte d’entrée de La Réunion. Avant la Grande Chaloupe, il en existait à Saint-Denis, notamment à la Redoute, et à Saint-Paul. Ils étaient dans les villes où se situaient les lieux de débarquement, et cela dès le 18ème siècle, à l’époque de l’esclavage. Mais le lazaret n’était pas un passage obligatoire, et ces établissements n’étaient pas définitifs.
La quarantaine est devenue beaucoup plus systématique au 19ème siècle, où existe un lazaret permanent à Saint-Denis à partir de 1828. Cela tient au lieu de provenance des immigrants, des pays où sévissent des épidémies.
Après l’abolition de l’esclavage, le lieu de quarantaine se concentre à la Ravine à Jacques, où un lazaret existe depuis le 18ème siècle. L’objectif est d’éloigner les arrivants des villes, pour des raisons sanitaires. Désormais, le lazaret est un lieu de passage systématique après le débarquement pour tous les engagés.
Le site de la Ravine à Jacques devient trop petit, et les quarantaines ont lieu de plus en plus sur les bateaux, ce qui augmente le coût du transport payé par l’armateur. Les lazarets de la Grande Chaloupe sont alors construits, et utilisés à partir de 1860.
La quarantaine ne concernait pas seulement les engagés, mais aussi les passagers libres quand leur bateau était concerné par un risque sanitaire, ou lorsqu’ils venaient d’un lieu où sévissaient certaines maladies. Ainsi, à la fin du 19ème siècle, toutes les personnes en provenance de Maurice devait passer par la quarantaine des lazarets. Ce qui veut dire que des Réunionnais qui revenaient d’un voyage étaient aussi concernés.
Beaucoup de Réunionnais ont donc un ancêtre qui est passé par les lazarets, c’est un endroit fédérateur de la mémoire.

Qu’attendez-vous de l’exposition permanente ouverte à partir de samedi au public ?
- Je souhaite que tous les Réunionnais vont reconnaître dans les lazarets un lieu de mémoire commun. Si chacun arrive à échanger devant les portraits qui sont exposés, alors une étape sera franchie.

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