Émilie Assati, présidente de l’association Pour la célébration du 19 mars 1946

Célébrer le 19 mars afin de « se rassembler sur l’essentiel pour mieux aller vers d’autres conquêtes »

19 mars 2010

En ce 64ème anniversaire de l’abolition du statut colonial à La Réunion, Émilie Assati, jeune Réunionnaise présidente de l’association Pour la célébration du 19 mars 1946 explique combien il est important pour tous les Réunionnais de se rassembler pour célébrer ensemble cette date fondatrice de l’ère de l’égalité à La Réunion. La loi du 19 mars, c’est en effet une revendication réunionnaise portée par un large rassemblement, qui a amené Paris à adopter cette proposition à l’unanimité.

Quelle était la situation des Réunionnais sous le statut colonial ?

- La loi du 19 mars 1946, qui fait de La Réunion un Département français, est le fruit du regroupement des hommes de bonne volonté issus de tous bords politiques dans le CRADS afin de sortir les Réunionnais de la misère coloniale qui était alors la leur en 1945. En 1946, le choix qui a été fait d’en finir avec le statut colonial et toute la misère qui s’ensuivait était un choix réunionnais.
Ce qu’il est primordial de retenir, c’est qu’à cette époque, ce sont des Réunionnais qui ont pris leur destin en main afin de se sortir du marasme dans lequel ils étaient plongés : la solution qui s’imposait était alors celle de l’abolition du statut colonial par l’adoption de la loi du 19 mars 1946. Après la promulgation de cette loi, ce sont encore des Réunionnais qui ont lutté afin d’obtenir l’extension des lois sociales à La Réunion. En effet, l’égalité promise en 1946 n’a été obtenue qu’en 1996, et encore aujourd’hui, des subsides d’inégalités avec la métropole demeurent.
Il n’en demeure pas moins que nous sommes aujourd’hui incontestablement sortis de la misère coloniale : la loi du 19 mars 1946 a bouleversé notre façon de vivre dans un laps de temps très court, et nous pouvons considérer aujourd’hui que, globalement, l’égalité sociale est acquise. Nous sommes des citoyens français à part entière, avec les mêmes droits sociaux, civils et politiques.

Comment expliquer que le contenu de la "départementalisation" ait été longtemps réactionnaire ?


- La loi du 19 mars 1946, par ses 3 articles, mettait fin à la tutelle coloniale. Les années qui ont suivi n’ont pas respecté l’esprit de la loi du 19 mars 1946, qui prônait le développement par l’égalité et la responsabilité. L’esprit du 19 mars 1946, c’était le développement par la fin de la tutelle et par l’instauration d’un régime où les Réunionnais seraient responsables, donc libres de leur choix et de disposer d’eux-mêmes.
Or, la période qui a succédé au 19 mars 1946, appelée « départementalisation » a débouché sur l’assimilation, soit une autre forme de domination où nous nous sommes vus imposés un modèle de développement calqué sur les problématiques de la France métropolitaine, un modèle de développement imposé par le haut, et qui n’était pas forcément le plus adapté à notre société post coloniale, qui a ses caractéristiques et problématiques propres. Ce processus est aujourd’hui en bout de course. Le modèle de développement qui nous a été jusque-là imposé s’essouffle : taux record de chômage, 52% des gens qui vivent en-dessous du seuil de pauvreté, un jeune sur deux au chômage alors que les jeunes sont 2 à 3 fois plus diplômés que leurs parents, 120.000 illettrés, etc. Nous sommes tant dépassés par nos problèmes, que la seule solution qu’on offre aujourd’hui aux jeunes est de partir !

De quelle manière la célébration du 19 mars s’inscrit-elle dans le début de l’ère de la responsabilité ?


- La loi du 19 mars 1946, en apportant l’égalité sociale, a constitué une première étape importante vers la décolonisation. L’autre étape est celle de la décolonisation des esprits, celle où les Réunionnais prennent leur destin en main en cessant d’avoir les yeux rivés sur la Métropole.
Pour reprendre l’expression de Raymond Barre, "la départementalisation a atteint ses limites en atteignant son but". En célébrant le 19 mars, il ne s’agit pas de faire l’exaltation de la départementalisation. Il s’agit de rappeler, d’une part, la date de rupture et de tournant majeurs que représente cette loi dans l’histoire de La Réunion, et, d’autre part, que la décolonisation étant récente, nos esprits sont encore imprégnés des schèmes de pensée d’un peuple colonisé. Passons donc à présent à la seconde étape de la décolonisation, celle de nos esprits.
Il est temps aujourd’hui de prendre nos responsabilités pour rompre avec un régime qui a montré ses limites dans un monde globalisé. Il ne s’agit pas de remettre en cause notre appartenance à la France, mais d’imaginer un modèle de développement qui serait propre à La Réunion, dans le respect de notre identité et culture propres. Il est urgent de sortir de l’assimilation et de la perte de repère identitaire qui en découle afin de devenir les acteurs de notre développement. Un peuple qui se rappelle et qui se réunit lors des grands rendez-vous historiques est un peuple qui est capable de se rassembler sur l’essentiel pour mieux aller vers d’autres conquêtes.

Quelles ont été les actions menées par l’association pour faire avancer cette cause ?


- Notre association Pour la célébration du 19 mars 1946 est une association loi 1901, créée en juin 2009 et, depuis, nos actions ont été diverses :

- nous avons recueilli, dans le cadre d’une pétition, le nombre symbolique de 1946 signatures d’hommes et de femmes qui ont marqué l’histoire de notre île (un nombre important de responsables politiques locaux : maires, conseillers généraux et régionaux de toute couleur politique) que nous avons remis au Premier ministre lors de sa visite en juillet dernier ;

- nous avons déposé notre revendication de célébration/reconnaissance officielle du 19 mars 1946 aux États-généraux de l’Outre-mer au sein de l’atelier "Identité et culture" ;

- nous avons présenté notre requête au conseiller politique de François Fillon lors de sa venue en juillet dernier ;

- nous sensibilisons l’opinion publique à ce combat fondamental par la tenue de conférences publiques sur l’histoire de La Réunion, notamment sur le thème "Comment les élections du 21 octobre 1945 ont-elles ouvert la voie au 19 mars 1946 ?" ;

- conférence de presse de soutien aux projets de Tram train et de MCUR ;

- lettre de soutien lors de l’enquête publique relative à l’utilité publique de la MCUR ;

- création, il y a moins d’un mois, d’un groupe et profil Facebook "Pour la célébration de l’abolition du statut colonial à La Réunion" et "Célébrons le Dix Neuf Mars", avec plus de 300 adhérents chacun.

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