Jean-Pierre Técher de l’association AC ! Chômage

Des Réunionnais sont au RMI depuis 20 ans

3 décembre 2008, par Manuel Marchal

Pendant 20 ans, le RMI n’a pas permis de faire reculer le chômage. Quant à son successeur, le RSA, Jean-Pierre Técher fait part de nombreuses critiques. Le militant associatif plaide pour des décisions politiques volontaristes capables enfin d’inverser la tendance et ramener La Réunion vers le plein emploi. L’essentiel est de créer les conditions afin qu’existe un nombre suffisants d’offres pour faire face à la demande de tous les travailleurs.

Jean-Pierre Técher de l’association AC ! Chômage. (photo J.F.N)

Le RMI a vingt ans. Quel bilan pour La Réunion ? Existe-t-il des Réunionnais qui sont au RMI depuis 20 ans ?

- Il y a des gens qui vivent avec le RMI depuis que le dispositif existe, le 2 décembre 1988. Cela fait 20 ans qu’ils sont obligés d’attendre dans l’inactivité. Ils n’ont pas de travail, et le RMI achève de les anesthésier. Cela concerne pas mal de personnes à La Réunion.
Le RMI n’est pas une solution. On a chaque année 4.000 créations d’emplois, mais 10.000 jeunes arrivent. Résultat, un paquet reste à terre. On nous parle de développement durable, mais quel développement durable si on ne crée pas les conditions nécessaires pour qu’il y ait des offres d’emplois en nombre suffisant pour sortir du RMI ?
Cela montre que les allocataires du RMI ne doivent pas être culpabilisés. S’ils sont au RMI, ce n’est pas de leur faute. C’est au gouvernement, aux acteurs économiques et aux politiques d’agir pour qu’il existe un nombre d’emplois suffisants pour répondre à la demande.

Le RSA est-il un progrès par rapport au RMI ?

- Sur la base des informations que j’ai, je dis que le RSA est une régression. Si c’est simplement un petit chouia en échange d’un travail, cela n’est pas intéressant. Je sais qu’en France, on a dit que le RSA allait compléter la différence entre le RMI et le SMIC, mais pour La Réunion, on a parlé d’un supplément de 140 euros. Dans ces conditions, il faudrait savoir en échange de quel travail, de quelle durée.
Un parlementaire de La Réunion, René-Paul Victoria, a été chargé d’une mission sur le RSA. Il faut qu’il nous éclaire.
J’estime que s’il y a un travail, il faut payer le SMIC. Il n’appartient pas à nous, contribuables, de payer pour les entreprises. Il ne faut pas se contenter de donner un chouia qui ne permet pas de vivre décemment, cela casse le SMIC.
L’autre question à laquelle doivent répondre les soutiens du gouvernement, c’est d’expliquer pourquoi le RSA sera appliqué avec un décalage par rapport à la Métropole. Nous sommes Français, qu’est-ce qui justifie ce retard ?
Compte tenu de la situation du pouvoir d’achat, ce petit chouia en plus est insuffisant. Cela nous renvoie à la philosophie du capitalisme : pour qu’un chômeur accepte de travailler à n’importe quel prix, il faut lui enlever la protection sociale qui lui permet de vivre.
Le risque du RSA, c’est la création d’une classe de travailleurs pauvres, on va vers une suppression du SMIC.

Depuis plus de trente ans, le taux de chômage à La Réunion est de plus de 25%. Comment faire pour que le chômage recule ?

- On mène des politiques pour favoriser le chômage. Au lieu de lutter contre le chômage, on lutte contre les chômeurs en les faisant disparaître des statistiques. On met le couteau sous la gorge.
A cela s’ajoute un langage culpabilisant à l’encontre des chômeurs. Pas mal estiment qu’un droit entraîne en contrepartie un devoir. En échange d’un revenu minimum, on serait donc obligé de travailler. Mais si cela se fait à n’importe quel prix, c’est du travail forcé.
On peut décréter le plein emploi, c’est une question de décision politique. Mais on veut garder une chape de plomb, en maintenant toute une masse de la population dans la précarité.

Propos recueillis par M.M.

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