Njaratiana Rabearisoa, doctorante à l’IRD
L’écologie marine au service de l’amélioration des pratiques de la pêche
20 juin 2011
Njaratiana Rabearisoa est doctorante en 3ème année de thèse en Écologie marine, à l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD). Ses travaux portent sur la déprédation exercée par les requins et les cétacés sur la pêcherie à la palangre de surface du Sud-Ouest de l’océan Indien.
Quel est votre parcours et quelle est l’origine de votre intérêt pour la mer ?
— Mon parcours est quelque peu inhabituel. J’ai obtenu mon Baccalauréat scientifique à Mayotte, une île connue pour son lagon exceptionnel et où est née ma passion pour la mer. Après le lycée, je me suis d’abord orientée en première année de classe préparatoire dans une école d’ingénieur, l’INSA Lyon, mais je me suis rendu compte en cours de route que j’aspirais en réalité vers le monde de la recherche.
Je me suis alors inscrite en DEUG MIAS à l’Université de Lyon 1, puis en Licence de Bio-informatique. J’ai poursuivi mon parcours par un Master recherche en Bio-informatique. Au cours de mon Master, j’ai eu l’opportunité d’être écovolontaire au sein de l’association Megaptera à Sainte-Marie (Madagascar), ce qui m’a permis de réaliser mon rêve d’enfant et d’étudier les baleines à bosse. Cette expérience m’a donné l’occasion de prendre contact avec des chercheurs travaillant dans ce domaine, et c’est ainsi que j’ai été recrutée comme volontaire civil à l’aide technique à l’IRD de La Réunion.
Ce poste m’a permis de combiner mes acquis universitaires avec ma passion pour la mer, puisque mon travail consistait à gérer une base de données destinée à archiver des données issues de la pêche palangrière réunionnaise. A la fin de mon VCAT, je me suis vue proposer un sujet de thèse en Écologie marine, sous la Direction du Dr Pascal Bach (IRD) et du Dr Christophe Guinet (CEBC-CNRS), thèse pour laquelle j’ai obtenu une allocation doctorale de la Région Réunion et que je mène au sein de l’IRD.
Pouvez-vous décrire le champ de votre recherche, et votre problématique ?
— Ma thèse porte sur les interactions négatives entre les cétacés, les requins et la pêcherie palangrière de surface ciblant l’espadon et le thon. Dans le milieu de la pêche, les requins et certaines espèces de cétacés sont connus pour se nourrir des poissons déjà capturés sur les palangres. Ce phénomène, appelé déprédation, est problématique pour diverses raisons. Pour des raisons économiques d’une part, car les poissons endommagés ne sont plus commercialisables et constituent un manque à gagner important pour les pêcheurs. Mais également pour des raisons écologiques, car les cétacés impliqués changent leur comportement de chasse et leur régime alimentaire en s’habituant à cette pratique. Ce problème est mondialement connu, mais, à ce jour, aucune solution durable n’a encore été trouvée pour l’enrayer.
Le premier axe de ma thèse consiste à étudier ce phénomène dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, à évaluer son impact sur la pêche et à identifier les éventuels facteurs qui l’influencent. Le second axe consiste à mettre en place des dispositifs écologiquement neutres, c’est-à-dire qui n’ont aucun impact sur le milieu marin, et qui auront pour but de limiter l’impact de la déprédation.
Pensez-vous que La Réunion puisse jouer un rôle de précurseur en matière de bonnes pratiques pour la pêche ?
— Nous avons tous entendu parler de la surexploitation des stocks de poissons, de la surpêche, des espèces menacées d’extinction… Des termes qui soulignent les impacts négatifs de la pêche sur les écosystèmes marins. A l’IRD, notre unité de recherche mène plusieurs projets pour améliorer ces pratiques de pêche, concernant notamment la pêche à la palangre.
Nous pilotons par exemple un programme « observateur embarqué » destiné à récolter différentes données au cours de campagnes de pêche commerciale menées par des palangriers réunionnais. Ces données permettent d’évaluer l’impact de la pêche palangrière sur les espèces accessoires (espèces sans valeur commerciale et rejetées en mer) et les captures accidentelles d’espèces protégées (tortues, oiseaux, mammifères marins ou certaines espèces de requins).
Grâce à ces données, et en collaboration avec les professionnels de la pêche, nous essayons d’optimiser les techniques de pêche afin de limiter ces captures, en travaillant par exemple sur le type d’hameçon utilisé ou la profondeur de pose de la palangre. Ces projets contribueront à terme à faire de La Réunion un modèle en matière d’amélioration des pratiques de pêche.