Benoît Blard, militant culturel

« L’illettrisme est une forme d’exclusion… »

13 janvier 2010, par YVDE

Benoît Blard, depuis une trentaine d’années, est engagé dans des combats pour la culture réunionnaise, la langue créole, la responsabilisation… Ce n’est pas au titre de la FCPE qu’il s’est engagé dans le Mouvement pour l’accès aux droits fondamentaux, mais à titre personnel et au nom de son engagement culturel jamais démenti. Au nom aussi de la ferme conviction qu’il nous faut aujourd’hui faire reculer l’illettrisme, cause d’exclusion.

Le nombre d’illettrés est passé, en quelques années, de 100 à 120.000. Pourquoi ?
— A mon avis, l’Education nationale n’intègre pas assez l’identité culturelle des enfants, ne leur donne pas suffisamment la liberté de s’exprimer. Cela produit des enfants qui sont un peu "bloqués". On ne met pas assez en avant leur langue créole, leur passé, leur histoire, leur patrimoine familial. Ils entrent à l’école dans un milieu étranger au vécu affectif qu’ils connaissent à la case.
Ce que l’enfant fait chez lui, ce qu’il vit dans sa cour ne compte pas. Ce qui compte, c’est ce qu’il apprend à l’école. Point.
Nous sommes dans un système de recrutement national où tous les enseignants de France et de Navarre peuvent prétendre occuper un poste à La Réunion. On constate que cela ne tourne pas toujours à l’avantage des Réunionnais. Il y a une vraie révolution à mettre en place.
Je crois que l’on doit prendre en compte —c’est un peu ce qu’a dit le président de la république en Martinique— l’utilisation de la langue créole, la pratique de la culture réunionnaise pour privilégier l’emploi des jeunes de La Réunion.
Un enseignant de Carcassonne qui arrive à l’Ilet à Cordes ne connaît rien de l’histoire de La Réunion, de la langue créole. Il ne peut parler à l’élève de son vécu émotionnel. On ne lui conteste pas le droit d’être là, mais…
C’est un élément important qui explique l’illettrisme, l’analphabétisme ou le retour à l’analphabétisme. Ce n’est pas le seul. A cela s’ajoute la dimension sociale. On parle de l’école gratuite. Mais pour beaucoup de familles, la rentrée scolaire est un drame. Et plus l’enfant monte dans son cursus scolaire, plus c’est cher. Cela fait des décennies que des enseignants et des parents d’élèves font ce constat. Mais l’illettrisme ne recule pas. Au contraire, les chiffres semblent dire qu’il progresse.

Justement, comment peut-on faire reculer l’illettrisme ?
— Il n’y a pas trop de solutions immédiates. Il y a des décisions politiques à prendre. Le jour où la langue et la culture créoles seront réellement prises en compte, on verra peut-être reculer ce fléau. En Polynésie, jusqu’au CM2, on parle beaucoup à l’enfant de sa connaissance culturelle, de son environnement. Je crois que l’on doit donner plus de moyens pédagogiques à la langue et à la culture créoles. Pour ceux qui sont sortis du cursus scolaire, il y a la formation continue, mais aussi la création d’écoles populaires dans les familles, dans les quartiers. Il nous faut absolument établir le contact des illettrés avec l’écriture et la lecture.

Pourquoi avoir inclus la question de l’illettrisme dans cette action du Mouvement pour l’accès aux droits fondamentaux pour abolir la pauvreté ?
— On parle de l’égalité, de la liberté… On ne peut pas vivre dans une société harmonieuse, si une part importante de la population est laissée sur le bord du chemin. L’illettrisme est une forme d’exclusion. Un illettré n’a pas accès à la connaissance, à la culture. Et si un père et/ou une mère est illettré, alors on risque de reproduire le schéma de l’illettrisme. Il ne faudrait pas que, dans une famille, on se répète : « Nou lé pas kapab ». Nous devons essayer d’inverser ce mouvement.

Propos recueillis par YVDE

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Messages

  • je pense que l’on puisse faire appel dans un premier temps à tous bénévoles maîtrisants à la fois le français et le créole, à s’investir dans les quartiers, au plus proche des besoins, demander des moyens, des locaux, dispenser les cours de rattrapage à tous les niveaux du primaire principalement.
    apprendre le français par le créole me parait être une solution. l’existence de ce genre de lieu et d’initiative pourrait avoir l’avantage aussi d’apprendre à écrire le créole, l’un aidant à l’apprentissage de l’autre.
    bien entendu, ce ne peut être qu’un palliatif aux efforts que l’Education nationale doit entreprendre et ne doit pas stopper la réflexion qui est menée mais ça aurait l’avantage d’être un point de départ concret de la lutte contre l’illétrisme et de sensibiliser sur le sujet

  • Tout à fait d’accord avec Benoit sur l’importance de la langue et de la culture créoles dans la lutte contre l’illettrisme.
    Il y a beaucoup à faire dansl’EN.
    Quand je suis arrivé il y a 3 ans, j’ai demandé un stage de créol, plus ou moins indiqué dans les documents du rectorat. A part le discourt de JF Samlong à la réunion d’accueil à St Denis, j’attends toujours. La connaissance de la langue créole m’apparait pourtant le minimum exigeable par un fonctionnaire arrivant ici.

    Au niveau pédagogique, la pratique du BILINGUISME, au moins au primaire devrait tordre le cou aux discourts réactionnaires sur le patois, la langue qui sert à rien, ...
    Au contraire, c’est la non reconnaissance de la langue qui est un mépris des enfants et de leurs parents, qui bloque cette langue dans la kour, alors que le bilinguisme pour les enfants c’est l’ouverture aux autres langues et au développement intellectuel.
    Exemple d’aberration à La Réunion : le bilinguisme est introduit en primaire à grand renfort de pub. Mais ce bilinguisme c’est Français Anglais ! Même pour les petits zorey qui arrivent, je doute de l’efficacité.

    • J’ai cru comprendre que c’est un instit qui écrit ? Avec tant de fautes (12 diverses dans son texte !!!) ? Je comprends mieux son point de vue, et aussi pourquoi nos enfants , et les enfants de nos enfants, feront obligatoirement, les malheureux, partie des exclus !!! Sans la maîtrise d’au moins une langue, point de salut ?
      Le titre de l’article est prometteur, mais M. BENOIT s’égare. Beaucoup d’imbéciles, comme moi, pensent avec raisons, que maîtriser au moins le Français, est déjà un atout pour s’ouvrir au monde et s’approprier des connaissances non assimilables, quoiqu’il en dise, dans la seule langue créole.

  • La réponse de la personne qui signe “Tamponnais” me désole.

    D’abord, si on ne s’attache qu’aux erreurs d’orthographes, c’est déjà qu’on tak la boush de nombreuses personnes qui souhaiteraient s’exprimer. Car pour moi, le contenu est plus important que la forme. Combien d’élèves savent lire, mais ne savent pas s’exprimer ? Il faudrait revoir le rôle de l’école.

    D’autre part, il a déjà été démontré que l’étude d’une deuxième langue (ou plus) ne fait qu’accroître la maîtrise des 2 langues étudiées. Car l’apprenant est amené à faire un parallèle avec le fonctionnement de sa langue maternelle, aussi bien au niveau de la structure que de l’étymologie, ou même de la façon de nommer une chose, une action, un acte, un sentiment…


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