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« L’intérêt supérieur de La Réunion exige un changement de posture »

Philippe Jean-Pierre, économiste et conseiller régional de l’Alliance

jeudi 5 août 2010


Philippe Jean-Pierre constate que ’Le Monde’ signale qu’à l’échelle de la République, le tram-train et la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise sont les seuls grands chantiers arrêtés. Cette décision prive notre pays d’une part des 170 milliards que l’État va investir dans la relance des investissements dans les transports.


"Le Monde" ne parle pas souvent de La Réunion. Avant-hier, un article d’Isabelle Rey Lefebvre dans ce quotidien de référence citait l’abandon de la MCUR et du Tram-train au nombre des grands chantiers abandonnés. Quels sentiments vous inspire cette lecture ?

- Cet article, paru dans le journal "Le Monde" mardi 4 aout 2010 était étonnant à plus d’un titre.
D’abord La Réunion a été citée, alors que l’article portait sur les inquiétudes autours des grands projets en Europe.
Ensuite et surtout, La Réunion a été citée pour sa singularité surprenante : l’article montrait effectivement qu’au niveau de La France, et à l’inverse de plusieurs autres pays européens, les infrastructures de transports allaient être relativement épargnés ; les seuls projets arrêtés au niveau français étant je cite "le Tram-Train et la maison des civilisations". Les autres projets sont soit maintenus, soit gelés en raison des difficultés rencontrées par les finances publiques locales ; l’article dit même que d’autres projets s’appuyant sur des PPP (comme l’était le Tram-Train) connaissent des difficultés à boucler leur financement mais ne sont pas pour autant arrêtés définitivement.
Et l’article de préciser que au niveau français, l’espoir peut être alimenté par le plan Borloo mis en avant le 12 juillet 2010, lequel prévoit d’investir 170 milliards d’euros d’ici à 2030. Au total, ces éléments nous interpellent à plus d’un titre.

En premier lieu, La Réunion serait la seule région à prendre la responsabilité d’arrêter purement et simplement ses grands projets sans projets substituables immédiats crédibles. Face aux difficultés financières, on aurait pu seulement geler ces projets.

- En deuxième lieu, ce refus du gel est d’autant plus étonnant que La Réunion aurait pu prétendre à une quote-part des 170 milliards d’euros. En faisant une simple moyenne avec presque 100 Départements, on aurait pu prétendre à 1,7 milliards d’euros.... Quoi qu’il en soit on voit bien que les choix qui ont été décidés ne peuvent être justifiés uniquement par la variable financière... et il est dommage que la seule variable de clivage politique ait été le facteur dominant sans privilégier La Réunion du long terme.

Philippe Jean-Pierre, vous êtes un expert reconnu dans le champ économique, mais aussi un élu du groupe "Alliance" au sein du Conseil régional. Selon vous, quel rôle peut jouer le politique vis-à-vis de la nécessité de relancer l’économie réunionnaise ?

- La responsabilité du politique, qu’il soit expert ou non, est de pouvoir réaliser les choix qui permettent le fonctionnement présent de La Réunion, sans compromettre son futur. Il est vrai que dans l’opposition, ce rôle est moins direct puisque les responsabilités de décision ne nous sont pas confiées. Cela ne doit pas empêcher l’élu que je suis de participer aux débats et de les éclairer, afin que la majorité se sente un devoir supplémentaire de justifier ses choix, ou de prendre davantage en considération les choix de long terme.
Plus précisément, dans une période difficile le politique doit avoir le courage de ne pas tout sacrifier : il lui faut entendre davantage les besoins de l’économie et peut être moins obéir aux clivages ou à un programme qui adapté à une certaine conjoncture deviendrait inadapté plusieurs mois après.
Il faut se garder de vouloir mener une politique contracyclique. Cela peut s’avérer dangereux pour l’économie et c’est ce qui nous cause du souci pour La Réunion aujourd’hui. Finalement, si un politique doit avoir le courage de dire non à des projets lorsqu’ils sont irréalistes (et cela doit être démontré autrement que par la mobilisation des peurs), il doit aussi avoir le courage de dire non à l’endoctrinement politique de ces projets. Sur ce plan, le courage est de savoir reporter certaines lignes de son programme pour ne pas compromettre la relance keynesienne d’une économie encore trop dépendante de la demande. Finalement, si à un niveau national les débats de clivages peuvent encore avoir lieu ou sont justifiés, au niveau du fonctionnement économique d’une île comme La Réunion, cela ne me semble plus aussi justifié. La grande majorité des acteurs partagent maintenant une vision commune sur l’avenir de l’île, sur ses défis, sur ses potentiels dangers.
La question n’est pas de nous réinscrire dans des clivages pour décider d’où on va. Cela est maintenant connu. La question est surtout la suivante : comment va-t-on vers cette cible ? Avec qui ? Comment faire, pour que ce chemin vers le futur soit le moins pavé d’épines pour les Réunionnais les plus fragiles ? Là se pose la question de la compétence des élus, de leur clairvoyance, de leur capacité à dépasser les combats d’arrière garde et les passions nourries dans les clivages. L’intérêt supérieur de La Réunion exige un changement de posture... et nous avons tous, nous les nouveaux élus une responsabilité dans ce domaine.

Le BTP subit aujourd’hui une crise très grave. Quelles sont les conséquences sur les autres secteurs de l’économie réunionnaise ? Quelle est la responsabilité du politique ?

- Le fait que l’économie réunionnaise dépende encore trop fortement de quelques secteurs est un fait, que la crise actuelle nous démontre tristement. Le problème supplémentaire qui se pose à nous est l’effet d’entraînement négatif de l’effondrement de ces piliers sur le reste de l’économie et de la société. Cela est d’autant plus grave qu’il faut en général plus de temps pour reconstruire ce qui a été détruit. Les décisions du politique doivent être d’amortir le choc et ses conséquences. Mais il lui faut aussi préparer l’avenir. Et cet avenir pose plusieurs défis nouveaux. On peut estimer que toutes les conséquences de la crise ne sont pas encore connues pour l’île. Certaines faillites ou certains plans de licenciements ne feront connaître leurs effets que dans plusieurs mois. De surcroît, cette gestion du présent dramatique ne doit pas occulter tous les efforts qui restent à faire pour préparer La Réunion du million d’habitants.
Car le temps passant de plus en plus vite, 2020 voire 2030 arriveront plus vite que prévu. Et nous n’aurons plus autant de moyens ou d’aides dans le futur, pour nous y préparer. Cela souligne la forme d’irresponsabilité de gouvernance, qu’il y a à compromettre un protocole qui assurait l’arrivée dans l’île de plusieurs centaines de millions d’euros... sans parler de la remise en cause de la crédibilité de la signature de nos collectivités. Je me souviens d’un slogan présidentiel qui disait vouloir faire de l’avenir "non plus un territoire de menaces mais une terre de confiance"... Cela devrait inspirer davantage les élus aux responsabilités aujourd’hui.


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Messages

  • Le montage financier du Tram-Train reposait essentiellement sur une dotation ferroviaire de 80 Millions sur 40 Ans.
    j’ai toujours soutenu qu’une telle dotation n’était pas absurde , au regard de ce qui existe ailleurs en Métropole et aussi des gaspillages d’argent public type Campagne grippe A .
    Malheureusement , l’équipe de Didier Robert a su exploiter les
    peurs irrationelles type " Les Réunionnais vont être endétés sur 40 ans etc..." qui n’avait aucun sens puisque la dotation en question provenait de l’Etat et n’affectait donc que pour une part réduite , les seuls contribuables sur le revenu, les Réunionnais.
    Pour autant , l’attribution de cette dotation étant tout sauf
    acquise , il aurait mieux valu amender le projet , en accord avec les Socialistes , pour une version moins chère et donc une demande de dotation plus basse.
    Le résultat ? L’UMP aux manettes pour faire économiser de l’argent au gouvernement Sarkozy !

  • Le Monde et mr Philippe qui est un expert confirmé le disent aussi :
    CATASTROPHE de l’abandon du TRAM-TRAIN
    Le seul responsable DIDIER ROBERT
    Les complices les SOCIALISTES

    Alé di partou communiste lé GROS COEUR maintenant


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