Jean-Claude Carpanin Marimoutou, directeur scientifique de la Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise

Le créole, la langue du développement de La Réunion

17 juillet 2009, par Cinthia Fontaine

Jean-Claude Carpanin Marimoutou est professeur de littérature à l’Université de La Réunion. Il travaille actuellement pour la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise. Lors de la restitution des États-généraux de l’Outre-mer en présence du Premier ministre, il a été le rapporteur de l’atelier culture et identité. Il se bat depuis des années pour une véritable reconnaissance et l’enseignement de la langue créole.

Que pensez-vous de l’enseignement du créole à l’école ?

- Je suis évidemment pour, vu le nombre d’illettrés, de Réunionnais en situation de non sujet, de non citoyenneté, de non prise en charge. Il y a une non écoute de leurs désirs, de leurs besoins, de leurs visions de l’avenir. On ne pourra pas aller vers un développement véritable sans une incitation et une participation à la citoyenneté, sans éducation. Cela passe par la prise en compte du créole depuis la maternelle jusque dans les grandes classes. Il ne faut d’ailleurs pas se contenter de l’enseignement de la langue, il faut une véritable restitution de la culture, de la géographie et de l’histoire. Connaître sa culture permet d’avoir une réelle ouverture sur les autres.
Ne pas prendre en compte les différents éléments culturels, environnementaux, est une catastrophe. Il y a trop de problèmes d’illettrisme. Les gens sont muets, mutiques dans un monde qui est fait et vit en dehors d’eux. Si on veut développer le pays, il faut absolument que le créole soit pris en compte sérieusement, et ce, jusqu’à l’université.

L’enseignement du créole va changer de cadre, il va passer de celui de langue régionale à celui de langue vivante, qu’en pensez-vous ?

- Le problème avec le cadre régional d’enseignement du créole qui est utilisé actuellement est qu’il n’est pas suffisamment adapté. C’est le cadre mis en place pour les langues régionales en France. Il ne correspond pas du tout à notre réalité. À La Réunion, le créole est la langue de tous, dès l’enfance. Un sondage a d’ailleurs montré que les enfants sont à 75% créolophones et que c’est leur langue maternelle pour 90% d’entre eux. On ne peut donc pas prendre le créole en compte comme une langue régionale française, mais véritablement comme une langue vivante. Il faut mettre en place un véritable cursus avec des exigences pédagogiques liées à cette langue vivante.

Vous avez rapporté les travaux de l’atelier culture et identité des États-Généraux de l’Outre-mer, quelles sont les propositions que vous avez soumises au Premier ministre lors de sa venue ?

- Tout d’abord, l’atelier n’est pas terminé, la synthèse n’est pas encore rédigée. C’est un point d’étape que nous avons présenté à M. Fillon. Avant qu’il y ait une synthèse écrite, nous devons nous concerter et nous mettre d’accord sur les propositions.
Nous avons surtout parlé de la question de la citoyenneté. La Réunion est confrontée à d’énormes défis autant sociaux, environnementaux que structurels. Nous ne pourrons nous en sortir tant que l’on ne donnera pas sa place à notre culture réunionnaise. On ne pourra se développer sans partir de cette base qui est notre culture, il faut en faire un véritable socle de développement.

Propos recueillis par C.F.

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