Radjah Véloupoulé, président de la Commission de l’Épanouissement humain du Conseil régional

Les lazarets : un symbole de la confluence des civilisations

26 novembre 2008, par Manuel Marchal

Pour Radjah Véloupoulé, les lazarets sont le témoignage vivant du peuplement sans nul autre pareil de notre île, ce qui fait que personne ne peut se revendiquer plus originel que l’autre à La Réunion. Ils rappellent également qu’à partir du traumatisme de la colonisation, La Réunion a réussi à construire une unité.

Radjah Véloupoulé rappelle qu’« aux lazarets, on était jugé apte ou inapte à faire partie de la société réunionnaise ». (photo Toniox)

Radjah Véloupoulé, que représentent pour vous les lazarets de la Grande Chaloupe ?

- Selon moi, cela représente trois symboles.
C’est tout d’abord un symbole géographique. C’est le lieu d’arrivée à La Réunion de personnes déportées. Elles étaient dans les mêmes conditions que l’esclavage. Qu’ils soient Indiens, Africains ou Chinois, il faut rappeler que ce sont des gens qui ont été raflés dans leur pays d’origine. Ils ont signé un contrat qui n’a pas été respecté. En effet, le contrat d’engagement prévoyait par exemple un retour dans le pays d’origine au bout de cinq ans, ce qui n’a pas été le cas.
C’est ensuite un symbole du passé colonial de La Réunion. Il y avait aux lazarets une façon de parquer les gens pour vérifier leur salubrité et leur capacité à travailler. Cela a créé un traumatisme dans l’inconscient des Réunionnais qui est toujours présent. Cela entraîne une sous-estimation de lui-même de la part du Réunionnais, qui adopte un comportement de non-valorisation de ses compétences.
C’est enfin un symbole de la confluence de l’ensemble des civilisations qui ont fait La Réunion. Les lazarets sont la preuve que La Réunion n’est composée que de personnes extérieures, et qu’aucun groupe, aucune personne, ne peut dire qu’elle est plus originaire que d’autre. Nous ne devons pas entrer dans des problèmes raciaux.
À La Réunion, il n’y a pas une ethnie, pas une race, c’est une leçon dont il est important de tirer les conséquences. Car au niveau mondial, nous vivons encore sous le joug des théoriciens de la race. Pour cette raison, je pense que l’élection de Barack Obama à la tête de l’Etat le plus puissant du monde est une révolution dans les mentalités, un tournant psychologique.

Quel est l’apport des lazarets à notre intraculturalité ?

- Les lazarets sont un élément de l’intraculturalité. Un autre élément est la religion, qui a été un facteur de la cohésion de la société réunionnaise. La domination du christianisme a conduit à un mélange forcé.
La langue réunionnaise est aussi un élément de cette intraculturalité.
Ce qui singularise les lazarets, c’est qu’ils ne sont pas un élément volontaire, mais forcé, de domination.
D’un côté, le Réunionnais est capable de montrer sa capacité à la tolérance. Mais de l’autre, il a une affectivité blessée qu’illustrent les lazarets.

Quel peut être le lien entre les lazarets et la Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise ?

- Lazarets et Maison des civilisations et de l’unité réunionnaise, c’est tout d’abord la confluence des civilisations.
C’est ensuite une réflexion sur les origines du peuplement de l’île. Aux lazarets, on était jugé apte ou inapte à faire partie de la société réunionnaise.
Par le biais d’un traumatisme, nous avons réussi à créer une unité. La Réunion est sans doute un fait unique dans le monde. Car l’île aurait pu devenir une société d’apartheid.
Subsiste néanmoins encore à La Réunion une hiérarchisation des races en fonction de la couleur de la peau. Elle se retrouve sur le plan socio-économique, ce qui prouve que nous avons encore des défis à relever.

Propos recueillis par M.M.

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