Jean-Michel Delaplace, enseignant-chercheur

« Nous voulons des négociations démocratiques qui tiennent compte des spécificités locales »

2 mars 2009, par Sophie Périabe

Rencontre avec Jean-Michel Delaplace, enseignant-chercheur en histoire à la Faculté des Sciences de l’homme et de l’environnement, lors de la manifestation des étudiants du Tampon jeudi.

Que reprochez-vous à la loi Pécresse ?

- Alors, il y a plusieurs points. Il y a tout d’abord la réforme du statut des enseignants-chercheurs. Les critères des recrutements, des avancements de carrière, tout va changer ; de même, les dispositifs sociaux vont disparaître, ce sera au bon vouloir du président de l’université. La nouvelle loi donne les pleins pouvoirs au président. L’Etat est entré dans un système de délocalisation de beaucoup de ses compétences. Aujourd’hui, sur les 82 universités de France, 20 sont complètement autonomes. Le président devient un chef d’entreprise, il doit gérer les salaires, les dispositifs pédagogiques, le patrimoine, etc…

Et pour le financement des universités, qu’est-ce qui change ?

- Avant, le budget était fixé par des normes et tenait compte des spécificités de La Réunion : l’éloignement, l’offre élargie de formation, etc… Et à ce moment-là, La Réunion avait un déficit de 100 postes d’enseignants et 60 postes d’administratifs.
Aujourd’hui, avec la LRU, il y a une enveloppe globale, et chaque université reçoit un pourcentage en fonction du nombre d’étudiants. La Réunion obtiendrait 1% de cette enveloppe. Dans cette approche globale, le budget de l’Université de La Réunion va diminuer, et selon les calculs, le déficit des postes deviendrait surnuméraire, c’est-à-dire qu’il y aurait des postes en trop à La Réunion, soit 83 postes qu’on devrait “rendre”. Dans ce système, les grosses universités vont pouvoir tendre vers l’excellence, comme le dit Sarkozy, et les petits, comme l’Université de La Réunion, n’auront pas les moyens de se développer. Nous allons vers une véritable privatisation de l’enseignement supérieur.
Nous demandons que les modes de financement soient revus et prennent en considération les spécificités locales.

Quel est votre point de vue sur la masterisation des formations d’enseignants ?

- Nous ne sommes pas contre une revalorisation des formations, mais pas comme cela.
Aujourd’hui, on ne propose pas d’amélioration de la formation. La durée des stages est revue à la baisse, la rémunération des professeurs stagiaires passe de 1.300 euros par mois à 3.000 euros par an, c’est une régression considérable.
D’autre part, rien n’est prévu sur le concours d’agrégation. On demande donc le retrait de ce projet, qui s’est fait dans l’urgence, et la mise en place de véritables négociations pour une vraie amélioration de la formation des enseignants.

Comment expliquez-vous la mobilisation des étudiants ?

- Le problème est que nous avons une politique gouvernementale qui consiste à faire réforme sur réforme. Les gens sont complètement dépassés et subissent ces réformes sans crier. Les étudiants sont anxieux pour leur avenir, et certains entretiennent cette inquiétude.
D’autre part, le gouvernement n’est pas réactif, il nomme des médiateurs, n’apporte rien de concret, il y a une volonté de laisser pourrir la situation.
Mais nous allons continuer le mouvement. Alors ils vont peut-être repousser les réformes, comme ils l’ont déjà fait, mais ce ne sera pas suffisant. Nous, nous voulons des négociations démocratiques qui tiennent compte des spécificités locales.

 Propos recueillis par SP 

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