Phillipe Jean-Pierre, économiste et conseiller régional de l’Alliance

Un certain nombre d’acteurs économiques pourra aller produire ailleurs

11 juin 2010, par Céline Tabou

Philippe Jean Pierre apporte une éclairage sur les changements qu’entraîneront l’Accord de partenariat économique que le relevé de conclusions du 26ème Conseil des ministres de la COI appelle de ses vœux. Le premier risque que court notre économie est celui de la délocalisation.

Que peut signifier pour La Réunion, la signature d’un Accord de partenariat économique (APE) complet ?

- Je pense qu’à La Réunion, nous devons être très attentifs sur les modifications du tissu productif local, et la performance de l’économie Réunionnaise. Il faut que l’économique Réunionnaise soit plus vigilante face au niveau de compétitivité. Ces accords APE peuvent entraîner une modification de certains secteurs, dans le domaine de la compétitivité par rapport à nos voisins (Maurice, Seychelles, Madagascar et Comores). À partir de là, la signature de cet APE complet, peut conduire un certain nombre d’acteurs économiques à se diriger vers d’autres lieux de productions. Donc, derrière cette signature, il y a une préoccupation du changement de modèle économique de La Réunion.

Que pensez vous de l’idée de Benjamin Elma, président du Syndicat pour la promotion des produits agricoles pays de cadrer les importations, suite à la libéralisation de tous les produits Réunionnais depuis 2009, et confirmé lors de la Commission de l’océan Indien ?

- Les APE posent la chute des barrières douanières, et tout accroissement du libre échange perturbe le fonctionnement économique de La Réunion. En effet, nous sommes confronté à la libéralisation des échanges, il faut donc réfléchir en matière de protection. Cependant, les APE, et notre filiation à l’Union européenne ne peuvent pas nous laissez penser à une forme de protectionnisme, car le but est d’ouvrir le marché. On peut tout de même imaginer une protection non tarifaire des produits, car les économies voisines sont capables aujourd’hui de produire des produits aux normes européennes. Lutter pour des normes tarifaires est une idée qui va être difficile de mettre en œuvre, car il y a de forte chance que l’Union européenne refuse ce cadre juridique sur les importations.

Que peut-on attendre de la Commission de l’océan Indien, et des Accords de partenariats économiques ?

- L’objectif de la COI est de réfléchir à comment harmoniser et faire en sorte que l’accroissement du développement des îles du Sud-Est de l’océan Indien intègrent leurs spécificités économiques, sociales, géographiques et biologiques et leur identité régionale.
En plus d’une protection tarifaire, la production à l’échelle de l’océan Indien peut être vu comme une séparation du processus de production. C’est à dire, qu’un produit serait parcellisé. On aurait la production d’un morceau à Maurice, d’un autre au Seychelles, et d’un à La Réunion. Nous ne pouvons pas, à La Réunion, tout produire. Mais pour qu’il n’y ait pas de compétition effrénée entre les îles, il est important de mettre en place une complémentarité avec les autres îles de l’océan Indien, une co-responsabilité des échanges et des destins.
Il est aussi primordial de se rendre compte qu’il ne s’agit plus d’un marché d’un million d’habitant, mais de plus de 45 millions d’habitants. Cela donne donc de nouvelles perspectives. Auparavant certaines productions étaient impossibles à La Réunion, car trop petite, mais à l’échelle de l’océan Indien, tout devient possible.
D’un défi posé par les APE, La Réunion peut rebondir en proposant une vision et ambition qui ne peut pas se faire sur un claquement de doigt, car il faut accompagner les changements à venir, et anticiper sur la formation et les exigences de la transformation des économies. Il ne faut pas être pessimiste, car il existera toujours à La Réunion, des productions industrielles et agricoles, mais les orientations économiques devront aller vers un positionnement prenant en compte les économies de l’océan Indien. La réalité est qu’il ne faut pas de position extrême, mais une formation et accompagner les ajustements économiques vers une nouvelle transformation de l’économie réunionnaise.

Propos recueillis par Céline Tabou

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