À 800 km de nos côtes...

24 mai 2005

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À une heure d’avion de chez nous, la vie déroule chaque jour les images de sa cruelle réalité. La quasi-totalité des populations de Madagascar vit - survit, devrions-nous dire - en dessous du seuil de la plus grande des pauvretés.
À 800 km de nos côtes, des millions et des millions de gens ne disposent pas, ne disposent plus, du minimum minimorum pour vivre.
La décision de “Médecins Sans Frontières” de s’en aller de l’île voisine parce que son rôle n’est pas de faire ce que l’État malgache ne fait pas ou ne fait plus, ne peut que nous bouleverser.
En Europe, la grande pauvreté, même si elle grandit, reste marginale et concerne une frange finalement peu nombreuse de la population. N’est-il pas significatif que l’expression “cas sociaux” y est employée pour parler communément de ces gens qui forment un groupe résiduel et sur lesquels les institutions d’action sociale peuvent porter une forte attention ?
À Mada, c’est 90% de la population qui relèvent des qualificatifs de cas sociaux, une infime partie de ce qui reste constituant la couche insolemment riche... et sans doute aux affaires.
Que faire quand l’État démissionne piteusement, quand les gouvernants n’y croient plus et que les Organisations non gouvernementales, les O.N.G., choisissent de quitter le pays parce que se sentant inutiles et ne voulant sans doute pas être déclarées complices des carences ou de la cécité des autorités ?
Que faire lorsque l’on n’attend plus une relance de l’économie ou un sursaut de la part des investisseurs traditionnels locaux ?
Plusieurs millions de malgaches sombrent actuellement, entraînant dans leurs chutes les deux ou trois générations à venir et laissant les mouvements humanitaires seuls face à l’impuissance et à l’inefficacité de leurs entreprises.
Dans ce coin de l’océan Indien où le hasard de l’Histoire a voulu que nous naissions un jour et où la clairvoyance de certains de nos aînés a permis que nous soyons dotés des statuts de département français et de région européenne ultrapériphérique, la paix sociale ne saurait se concevoir que dans le seul périmètre d’une petite île de 2.500 kilomètres carrés.
Toutes opinions confondues, nous avons à exprimer notre devoir de solidarité envers notre grand voisin. Je l’écris tout en mesurant qu’il ne suffit pas de le dire. Par quel bout prendre un problème qui manifestement nous dépasse ? Comment en parler aux autorités de là-bas, sans que cela ressemble à de l’ingérence de gens nantis dans les affaires d’un pays pauvre, alors que, pourraient-elles nous répondre, un simple référendum est capable de diviser notre nation-patrie en deux blocs qui s’opposent ? Oui, comment faire ?

R. Lauret


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