Absolue, la preuve ?

26 décembre 2005

La souscription ouverte par le Crédit Maritime dans le cadre des “Sofipêche” destinés au financement des six palangriers - sur lesquels tout et souvent n’importe quoi a été imaginé et dit - a été bouclée. La commande va enfin pouvoir être passée auprès des chantiers navals d’une province de Chine.

C’est là l’aboutissement de pas loin de trois années de travail de Lucet Julie, chargé de mission au Comité des Pêches de La Réunion. C’est la fin de la première étape d’un pari dont on sait qu’il sera difficile mais contre l’idée duquel je n’ai jamais rencontré le moindre opposant, même chez ceux qui pensent - avec raison - et me disent que la pêche réunionnaise doit très vite éliminer certaines pratiques que certains laxismes ont trop longtemps tolérées. Même ceux-là se félicitent qu’un projet conséquent pour notre pêche puisse se dessiner à l’horizon de notre océan.

On s’imagine la satisfaction de Lucet Julie aujourd’hui, lui qui a craint que le climat malsain que certains ont alimenté, ait pour conséquence l’échec de “son” plan Sofipêche.
Certaines allusions auxquelles son nom a été associé l’ont meurtri et blessé.
Ainsi, cette lettre signée Franck Piriou, le patron d’une société française de constructions navales basée à l’Île Maurice, et rendue publique. Une lettre dont le contenu n’a strictement rien d’exceptionnel et qui, en mars dernier, précisait de manière on ne peut plus transparente ce qu’il y avait dans un prix proposé : garantie sur moteur et groupes, grue de déchargement, matériels de pêche divers, cabestan, osmoseur, centrifugeuse, ordinateurs... Rien d’exceptionnel.
Et "la rétrocession de 52.000 euros" ? C’est une somme affectée, précise Lucet, à la rémunération de Véritas et d’autres sociétés de contrôle et pour laquelle rétrocession, M. Piriou écrivait que "les modalités de remboursement restaient à définir".
Imagine-t-on un constructeur naval français écrire, noir sur blanc, dans un document accessible à tout le monde, qu’il consentirait à un tel pot de vin ? Difficile à admettre. Quoique... Il y a eu l’affaire des vedettes de Taïwan et tant d’autres !!! Mais là !
Nous avons eu beau dire à Lucet que le commentaire de presse qui accompagnait la lettre de Franck Piriou prenait la précaution de corriger : "ce document signé n’est pas la preuve absolue de la corruption qui a prévalu à la commande de six palangriers de 21 mètres vers la Chine...", notre ami rétorque que le terme "absolue" , entre autres, est inacceptable.

Il n’a pas tort. Quand on sait que la plupart des commandes passées aujourd’hui par les armateurs européens bénéficient à des chantiers navals chinois (les toutes dernières en date ont été passées par des sociétés allemandes) parce que ces derniers sont nettement moins chers pour des produits auxquels les organismes de contrôle européens donnent leur plein aval, on comprend mieux la réaction de certains.

On pourra toujours regretter que les acheteurs se tournent plus volontiers vers un pays où le coût de la main d’œuvre est ce qu’il est. À l’heure du tout économique qui triomphe avec l’insolence qu’il étale, faut-il encore de cela s’étonner ?
Faut-il montrer du doigt les Chinois et leurs clients au moment où tant d’industriels européens délocalisent à hue et à dia ? Il serait temps que les tenants de la mondialisation commencent à réfléchir à certaines conséquences de leur œuvre de démantèlement...

R. Lauret


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