’Administrer’, a pourtant dit Talleyrand, ’ce n’est pas tout empêcher au nom du règlement, mais tout faciliter au nom du bon sens...’

15 novembre 2004

Dans son édition du samedi 30 octobre dernier, le journal parisien “Le Monde” nous propose, pour sa grille de mots-croisés, la définition suivante de la “fraternité” : “plus souvent sur les murs que dans la vie”.
Cruelle, mais fort heureusement pas toujours réelle, une telle conception de l’une des trois expressions clé de notre étendard national, montre que nous pouvons parfois nous aussi, sous les cieux de nos tropiques, connaître des poussées qui vont vers cette tendance.
Je veux - et vous l’avez bien compris - parler à mon tour de ce que l’on vient de faire vivre au jeune Ahmed Mohamed Andhumoudine, 20 ans, expulsé vers les Comores où ne l’attend peut-être sûrement pas un père qui l’a mis au monde - ça c’est sûr ! - et qui ne s’est jamais soucié de lui - de ça, il s’en est plutôt bien sorti !.
“La Loi s’applique”... Elle a bon dos, la Loi.

Elle a bon dos, cette Loi que parfois on n’applique pas. Ou que l’on applique en première instance avant qu’elle soit dite, en appel, d’une manière différente, en totalité ou partiellement.
Oui, elle a bon dos cette Loi que la faillibilité humaine permet qu’elle soit différemment interprétée selon la personnalité de ceux qui ont la responsabilité de la lire, selon les lieux et les jours pouvons-nous également ajouter.
Me vient en souvenir un fait auquel j’ai été amené à être “mêlé”. C’était en juillet dernier. Un ami m’informe que son neveu, Réunionnais travaillant à Singapour, se heurte au refus d’un service pour la délivrance de visa au profit de la jeune nénène de ses deux enfants de quatre et de deux ans. Venant en vacances dans son île natale avec femme et enfants, il a souhaité offrir le voyage à cet “autre membre” de sa famille qui est la femme de ménage, laquelle, à Singapour, habite chez lui. Elle est philippine. Motif du refus : si cette non française vient à La Réunion avec son patron, sa patronne et les deux petites (qui tous les quatre sont français, eux !), c’est bien qu’elle vient pour y travailler. Et là, la Loi n’est pas interprétable : nous sommes dans l’hypothèse trop vraisemblable du travail non déclaré ! Le mot clandestin n’est pas employé, mais que c’est insinué !

Après quelques discussions surréalistes au cours desquelles une haute autorité préfectorale est alertée, la solution est trouvée : il suffit de préciser que la nénène philippine vient à La Réunion comme touriste ! Il ne pouvait pas trouver ça tout seul, le monsieur qui a déclenché l’inutile patacaisse ?!
Talleyrand nous a pourtant appris que "Administrer, ce n’est pas tout empêcher au nom du règlement, mais tout faciliter au nom du bon sens".
Voilà une suggestion qui gagnerait à être affichée dans nos bureaux de décideurs. Et appliquée pour Ahmed...

Raymond Lauret


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