Afin que danse l’esprit au premier frisson du jour...

18 mai 2005

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Dans le livre qu’il a publié en mars 2003 chez L’Harmattan “L’Acteur, entre réel et imaginaire”, Sham’s nourrit une réflexion autour de la nécessité de "ne jamais interrompre les interrogations et de toujours les déplacer". Ainsi, croit-il, nos certitudes doivent toujours relancer ce débat jamais interrompu que nous impose notre conscience, si, comme lui, nous sommes ou désirons être de ceux qui aimeraient tant que "danse l’esprit au premier frisson du jour", jusqu’au terme de notre vie.
Ce qu’il y a de terriblement gratifiant chez Sham’s qui, mine de rien, est Docteur de l’Université de Paris VIII avec mention très honorable, c’est qu’il place très haut la barre de l’engagement pour celles et ceux pour lesquels il éprouve estime et affection. Il les prie tout simplement de refuser de céder à la routine de l’émerveillé satisfait.
C’est assurément la voie dans laquelle il a poussé Muriel Payet et Thierry Salimina dont il dit, avec une sincérité que je partage pleinement, qu’ils sont autant que lui les père et mère de la transposition-adaptation et de l’interprétation qui s’en est suivie sur les planches de son Théâtre du Moufia de la célèbre pièce de Georges Feydeau.
“Té, arèt marsh tou ni, don !” s’invite à la table de nos campagnes et de leurs coulisses. La pièce fait se dérouler, sous nos yeux transportés, des décennies d’histoires qui s’y sont déroulées et qui s’y sont sûrement passées. Le jeu des acteurs est subtil et plonge dans le croustillant de notre langue et de son parler.
Je n’ai pas - et cela Sham’s le sait puisque c’est connu - une approche autorisée de la maîtrise de l’écriture de ma langue maternelle et de communication de tous les instants. Je mesure cependant que c’est là une nécessité et un devoir. Le chantier m’a toujours paru tellement énorme que j’ai toujours dit qu’il importe qu’ici et sous toutes ses coutures, le dérisoire ne vienne pas gêner et donc ralentir le travail auquel certains spécialistes se sont attachés.
L’épreuve à laquelle me soumet Sham’s, c’est d’avoir à dire que je crois que cet ouvrage, écrit dans ma langue maternelle et, je le répète, de communication de tous les instants, imprimera en nous l’excellence de son témoignage et de sa morale surtout parce qu’il sera entendu et parce qu’il sera regardé ; qu’il sera donc vécu et approprié par le plus grand nombre grâce à la beauté et à la magie communicative du délire théâtral, bien plus que par la seule lecture que nous allons en faire.
Depuis que la Compagnie Sham’s a joué “Lo Rapiang”, offrant à de multiples publics une facette inédite de la dimension universelle d’un Maître incontesté du théâtre français, je partage avec d’autres la certitude qu’une vérité a été alors affirmée.
J’ai la satisfaction émue à imaginer que Molière et Feydeau doivent bien se régaler, là-bas où ils sont, quand ils constatent combien la langue du peuple d’un petit pays de l’Océan Indien a pu donner du corps et une âme à une de leurs œuvres écrites sous d’autres cieux et pour un autre temps. Alors, j’ose affirmer qu’il manque aux cultures de tous les peuples de la Terre une Compagnie Réunionnaise du Théâtre Créole.

R. Lauret


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