Au théâtre du Foot

2 mai 2006

Le geste irrégulier et que l’arbitre sanctionne a eu lieu à une vingtaine de mètres des buts. Le coup qui va s’en suivre sera franc et peut être direct.
Dans la foule qui ceint la surface du jeu, un frisson un peu plus que léger crispe ou détend les visages, selon que l’on est supporteurs de l’équipe qui défend ou de celle qui attaque. Les cœurs battent fort, de crainte ou d’espoir.
D’espoir ou de crainte, il bat comme, de crainte ou d’espoir, les visages se crispent ou se détendent. Au silence recueilli - que dis-je, religieux ! - des uns se mêle l’onde de satisfaction des autres.
Nous sommes au Théâtre du football. La scène est suffisamment grande et les sièges suffisamment éloignés pour que tous les moments de la pièce qui se joue sous ses yeux n’échappent point au public : l’autorité du coup de sifflet qui ne se discute pas ; l’espoir qui naît soudain dans onze cœurs et sur un banc de touche ; l’incompréhension devant tant de sévérité de l’arbitre, la colère rapidement lancée et aussitôt rentrée et la résignation qui précède la certitude que l’on va s’en remettre à condition que le mur qu’il faut vite monter renvoie ce foutu ballon ou, qu’à défaut, juste derrière, le gardien de but saura montrer dans quels bois il se tient !
Nous sommes au T.U.F., le Théâtre Universel du Football. On y vient sans jamais se lasser : à chaque fois qu’on s’y retrouve et que sur la verte scène ce sont les mêmes maillots des mêmes acteurs de deux mêmes troupes qui jouent le classique mélodrame - ne parle-t-on pas parfois de “grand classique ?” - à chaque fois, cela se passe qu’une façon qui diffère, inattendue, parfois inespérée.
L’intrigue est un ballon, un ballon qui roule dans tous les coins, poussé, shooté, contrôlé, fusé, dévié, caressé, capté... embrassé et porté... Il n’y en a qu’un de ballon pour vingt-deux bonhommes - et un trio d’arbitres ! Il n’y en a qu’un, qui sait être à la fois, capricieux, malin, imprévisible, roublard, complice, pourvu que l’on soit capable de lui montrer qu’on l’aime à la folie, au moins autant que d’autres prétendants !
Le coup franc et direct va être tiré. Le silence s’entend. Pas une mouche qui vole ni de spectateur qui respire. Le tireur recule, regarde, scrute, cherche, apprécie l’espace et le trou qui, unique solution, s’offre à lui. Huit hommes, en face, font la Grande Muraille de Chine et le maître maçon, gardien de la virginité de l’équipe, fouille à travers la forêt de jambes qui trépignent la trajectoire sur laquelle il devra se trouver.
Le coup franc est tiré... Une fraction de seconde d’éternité qui n’arrête pas de vous broyer le cœur... Vous fermez les yeux pour ne point voir le cauchemar ou pour mieux vivre le rêve.
La rumeur vous condamne... La rumeur vous libère... Votre cœur retrouve, en rythmes saccadés, un à peu près normal électrocardiogramme. Le jeu qui doit reprendre a repris, relancé par la défense qui se rue à l’attaque ou remis balle au centre... Vous êtes à nouveau disponible pour un nouvel instant d’espoir et de crainte...
Samedi soir, tout au long des 90 minutes d’un beau match que j’eus la bonne idée de ne pas rater, j’ai pensé que le foot est une merveilleuse création qui ne mérite pas que les puissances du fric le dominent.
J’ai rêvé alors des parties que nous jouions et qu’aujourd’hui on se dispute sur les terrains des écoles de foot quand on a encore dix ans...

R. Lauret


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