Aujourd’hui lundi, blocages musclés à nos carrefours ? La question était posée hier. L’est-elle aujourd’hui ? Le sera-t-elle demain ?
13 février 2012
A l’heure où, en ce dimanche 12 février, je m’attache à mon “Libres propos” de chaque lundi, j’ignore si « Giovanna » a mis à exécution les menaces dont nous lui avons prêté intention, par météo interposée. Peut-être que, ce dimanche soir, les rotatives n’ont pas tourné. Peut-être aussi que les livreurs de journaux et les services de distribution du courrier de La Poste sont, conséquence de ces petits incidents que nous impose Dame Nature, en chômage obligé.
A l’heure où ces lignes sont écrites, le doute plane encore sur ce qu’ont décidé de faire ceux qui croient que seuls les barrages de routes pourront amener les autorités publiques et privées qui en ont le pouvoir à baisser le prix du carburant. Un des tout premiers responsables du mouvement, parce que nous nous connaissons, m’a téléphoné longuement samedi matin pour m’en parler et, m’a-t-il dit, « avoir un avis extérieur ». Je ne suis pas certain qu’il a pu faire ce que je lui ai suggéré : demander à rencontrer, dans l’heure qui suivait et pour un échange de la dernière chance, quelqu’un de central dans cette affaire et dont je lui disais penser beaucoup de bien. Aujourd’hui lundi, blocages musclés à nos carrefours stratégiques ? La question était posée hier. L’est-elle aujourd’hui ? Le sera-t-elle demain ? Sera-t-elle redevenue d’actualité quand le beau temps météorologique aura repris ses droits ?
J’ai eu également ces jours derniers l’occasion d’échanger avec un élu de la Pyramide inversée, un homme fortement impliqué sur ce dossier. Un dossier au cœur duquel je me suis retrouvé en 2002.
L’élu du Conseil régional et président de sa Commission du Développement économique que j’étais alors n’a pas oublié qu’il a fallu beaucoup de pédagogie et, lâchons le mot qui fait sourire bien d’autres, d’attachement à notre île et à sa population pour mener le mieux possible de bien difficiles négociations. Des négociations qui, pour ce qui me concerne en tout cas, se sont quelques fois préparées en cercles restreints et en dehors des salles officielles, jusqu’à des heures très avancées de la nuit. On se quittait parfois longtemps après minuit. Bien naïvement, je croyais alors, après tant de fatigue et d’explications, d’écoute de l’autre aussi, que tout allait être réglé, que nous nous étions compris et que les marges de manœuvre et les contraintes des uns étaient parfaitement assimilées par les autres. Ce qui explique sans doute le malaise dont j’ai été victime le dernier jour de dures discutions face à la mauvaise foi calculée d’une personne qui, à l’époque, occupait le devant de la scène grâce à sa présidence usurpée d’un puissant syndicat. Ce malaise en pleine salle de réunion de la CCIR me valut de rencontrer, cela ne s’oublie pas, le soutien du Préfet d’alors et de son SGAR ainsi que l’expression spontanée de l’amitié de quelques élus de l’autre bord. Jean-Jacques Morel ne m’en voudra pas de révéler ici qu’il fut de ceux-là.
Ce ne fut pas la dernière des épreuves rencontrées, toujours face au même gars animé de la même mauvaise foi, plus que jamais motivé cette fois-ci par le soutien, dans des fonctions de déstabilisateur qui ne saurait relever de lui, d’un certain Maccioni, Préfet de la République de son état. Les nouvelles élections régionales étaient proches. Ce qui explique l’incroyable scène que toute La Réunion put vivre en direct un soir de journal télévisé : un Préfet approbateur qui voit sous ses yeux des excités faire de lui le premier de leurs témoins et clamer qu’ils vont sur le champ, avec la passivité annoncée des forces de l’ordre, envahir le siège du Conseil régional et en déloger ceux qui s’y trouvaient. S’y trouvaient : Paul Vergès, Yvon Virapin, Idriss Omarjee, Brigitte Croisier, Amode Houssen, Jean-Yves Dalleau et moi-même. Et évidemment les agents de la société de gardiennage de l’immeuble.
Car, redisons le : ces prix du carburant et autres qui ont grimpé, ces prix qui grimpent encore et qui n’ont pas fini de grimper, ces prix font de la plus grande partie des citoyens du monde obligation de passer à la pompe. Portés par la folie de ce que le capitalisme triomphant ose appeler « la démocratisation sans retenue et quasiment imposée de la consommation », des gouvernants ont choisi de privilégier le tout automobile. Ne vient-on pas, ici à La Réunion, ici sous nos yeux, il y a quelques mois seulement et avec l’accord de l’actuel chef de l’Etat, de décider que le mode de déplacement utilisant le rail était à rejeter et que notre île n’aurait donc pas de tram-train ? Ces prix qui grimpent au gré de leurs désirs permettent aux rois du pétrole de la planète de se payer d’incroyables caprices : les hôtels les plus luxueux aux quatre coins du monde, des clubs de football pour lesquels ils décident de payer, entre autres, des entraineurs à 500.000 euros par mois, des yachts à faire de Monsieur Bolloré un pauvre petit parvenu. Et mille autres babioles pour lesquelles leurs agents ne les dérangent jamais si ça vaut moins de 100 millions d’euros…
Raymond Lauret