C’est à Patrice Treuthard que l’on a alors pensé, à Patrice et à bien d’autres encore…

14 juin 2010

C’était l’autre mardi, celui de la semaine dernière. La Halle des Manifestations de la Ville du Port vivait un grand moment d’émotion, un de ces moments qui compte dans une vie de portois ou de portoises. Plus de quatre cents enfants des écoles de la cité accueillaient plusieurs dizaines d’adultes pour découvrir ensemble le résultat d’un travail qui devrait inspirer toutes les équipes pédagogiques qui ont pour mission de transmettre aux hommes et aux femmes de demain ce savoir qui nous vient de ceux et de celles d’hier. Nous eûmes droit à deux films, petits si l’on s’arrête à leurs durées (24 minutes tout de même pour le premier !) et immenses quand chacune de leurs images est source d’un profond bonheur. C’est que nous avions sous nos yeux et à portée de notre âme ce qui demeure le plus authentique trésor de la vie : l’histoire d’une ville expliquée à ceux qui ne savent pas encore par ceux qui l’ont vécue. Et là, on découvre une évidence : rien n’est plus vrai que ce qui est simplement conté...

S’appuyant sur les images d’archives dont nous savons qu’elles sont soigneusement gardées au Port, l’œuvre donne la parole à des plus âgés dont il n’est point difficile d’imaginer le pudique bonheur de se découvrir sur le grand écran. C’est qu’ils ne manquent pas de « présence », nos vieux, avec leurs regards et leurs gestes d’acteurs chevronnés qui viennent rajouter de l’intérêt aux souvenirs qu’ils nous livrent le plus naturellement du monde ! L’œuvre sollicite également ceux qui ont choisi d’animer quotidiennement ces lieux devant lesquels on peut passer chaque jour sans y entrer tout en n’étant nullement étonné de savoir que s’y est forgée et continue à s’y construire notre belle unité réunionnaise, dans la diversité qui fait sa richesse. Et puis, cette œuvre, pour qu’elle soit pleinement œuvre, sous l’œil assurément comblé des maîtresses et des maîtres d’école et des inspecteurs de l’éducation nationale pour une fois tranquillement assis, sans bâton de craie à la main face à « l’écran-tableau noir », elle offre aux marmailles des écoles de la ville le plus fabuleux des terrains d’apprentissages qui soit : des moments d’étonnants dialogues avec ceux dont, on a pu le constater, la mémoire n’est pas courte ! Et c’est peut-être ainsi que plus d’un ont pu se dire que la rue et le quartier sont sans doute des lieux où l’enseignant pourrait bien puiser matière à conforter ce que nos livres d’école apportent en soutien…

Pour que la matinée fut complète, ses initiateurs nous offrirent d’entendre une chorale d’enfants interpréter de bien magistrale façon quelques unes de ces chansons de chez nous et par lesquelles leurs auteurs ont su témoigner la force du respect que nous devons à nos anciens. Et comme c’est souvent le cas quand, évoquant une œuvre, on cite une seule personne, je prends (bien volontiers !) le risque d’être injuste vis à vis d’autres en demandant à qui de droit comment nous avons pu de longues décennies durant laisser un Patrice Treuthard jouer au cadre dans une banque de la place alors que, manifestement, il a été mis un jour au monde pour communiquer aux autres, et plus particulièrement aux plus jeunes d’entre nous, l’admirable respect avec lequel il manie notre belle langue créole.

Et à Patrice que l’on a pensé quand un invité, prié de dire « juste quelques mots en pas plus de deux petites minutes », évoqua cette ville du Port dont une grosse part de la couverture végétale a été plantée par les enfants de ses écoles. Car qui mieux que les enfants peuvent, de la manière la plus durable possible, développer aujourd’hui ce qui sera la modernité de demain ? C’est à Patrice que nous pensions tous quand il fut dit (et noté !!!) que ce sont ses gamins qui feront du Port la ville cyclable qu’elle peut et qu’elle doit devenir. C’est encore à lui que nous pensions tous quand il fut bien noté que ce premier film en appelait un ou deux autres encore et qu’il ne serait point admissible qu’il ne soit pas édité pour être acheté par tous. C’est toujours à lui que, tous, nous pensions quand il fut admis que les petits chanteurs de la chorale de nos écoles méritent de sortir un CD, quitte à ce que ceux qui lancent ce genre d’idées sortent de leurs archives personnelles quelques textes déjà mis en musique et qui parlent du pays et des gens d’ici. C’est enfin à lui encore que je pensais quand fut clamée la nécessité d’écrire, par les enfants bien sûr, un livre qui rappellerait qui furent ces hommes et ces femmes dont les noms ornent les façades de nos écoles.

C’est à Patrice, et à quelques autres aussi, de jouer…

Raymond Lauret


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