C’était quelques instants avant que je me retrouve, muet et vidé...

18 janvier 2006

C’était quelques instants avant que je me retrouve, muet et vidé, devant une feuille sur laquelle mon stylo n’arrivait plus à glisser. Le choc était là, plus lourd que jamais, à me laisser dans la recherche de ce qui me reste à faire... Et puis, je revis Anick arrivant, souriante, à la cafétéria de la Région, amaigrie par l’épreuve pesante, le visage éclairci par mille larmes versées durant ces jours d’un cauchemar dont seuls ceux qui y sont passés peuvent parler.
Et elle nous parla... de Claude... de son “Letoullec” qui mourut dans ses bras, dans le froid de Paris, après qu’il eut vécu, avec elle et leurs enfants, deux semaines d’un immense bonheur.
Nous l’écoutions nous parler... sur le rythme qui est celui de la femme d’action et d’activités que, décidément, elle restera... Nous l’écoutions donc nous parler de Claude, son “Letoullec” à elle, dont elle convenait enfin qu’il travaillait autant qu’il le fallait et qu’il était en excellente santé. « Peut-être est-il mort d’avoir toujours été très heureux », nous glissa-t-elle, sans doute pleinement sérieuse de ne trouver que cela comme belle consolation. Et puis, autre confidence : « Me va-t-il être possible de vivre sans lui ? » Elle le dit à nous et à elle surtout pour que nous comprenions bien qu’elle a déjà tranché : elle vivra en travaillant autant qu’il le faudra, autant qu’il eut voulu...
Voilà... C’était quelques instants avant que je me retrouve, muet et vidé, devant ma feuille blanche sur laquelle mon stylo n’arrivait plus à glisser de mes propos que je signais de mon nom pour qu’il soit bien compris qu’ils m’étaient libres et m’autorisaient, dans le journal que le docteur Vergès a un jour créé afin qu’il traverse le siècle, à recevoir les critiques de ceux qui pourraient ne point être d’accord. Ce qui devait demeurer notre privilège à tous...

R. Lauret


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