Carburant et aménagement du territoire...

21 décembre 2004

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J’ai eu, vendredi dernier, à vérifier qu’un journal c’est aussi une question de place quand l’actualité se fait lourde ou quand, accumulation de jours fériés oblige, les programmes de télévision deviennent les vrais dictateurs pour clamer leur urgente priorité.
C’est pourquoi mon camarade secrétaire de rédaction a été amené à m’imposer de ne pas dépasser quinze lignes pour mon billet de samedi dernier, ce qui a sans doute réjoui ceux qui me trouvent trop long, mais pas ceux qui auraient aimé en savoir plus sur la nécessité pour les pouvoirs publics de prévoir - c’est cela, “gouverner” - une bonne répartition des cuves de stockage du carburant à La Réunion.
Vous le savez : 30% du carburant réceptionné au Port par la S.R.P.P. (qui a la responsabilité du stockage dans sa totalité) repartent par la route, vers Gillot et les avions qui y décollent. Les réservoirs de notre zone aéroportuaire ne peuvent accumuler que l’équivalent de trois jours des besoins en kérosène.
Si la route du littoral, pour une raison quelconque, devait être fermée à toute circulation pendant trois ou quatre jours, nous aurions un très délicat problème sur les bras. Il serait de bonne politique que, depuis les réservoirs de la SRPP, Gillot soit approvisionnée autrement que par la route.
Pipe en fond d’océan pour contourner la côte entre La Possession et Saint-Denis ? Transbordement par des petits bateaux qui, quittant en rythme soutenu Le Port, accosteraient à Sainte-Marie d’où le kérosène serait refoulé sur les stockages de Gillot, juste à côté ? Avec, ce serait intelligent, la possibilité de transporter d’autres types de marchandises !...

Mais, en plus de ces 30% (250.000 mètres cubes), il faut savoir que 28% du carburant réunionnais transitent par les stations services du Nord et de l’Est de notre île, depuis Saint-Denis jusqu’à Sainte-Rose. 22% alimentent les besoins de l’Ouest et 20% ceux du Sud.
Il s’agit donc d’étudier les meilleures conditions de l’approvisionnement du Nord et de l’Est, sachant que les prévisions de consommation pour toute l’île - actuellement de 750.000 mètres cubes - seraient de 930.000 mètres cubes en 2010 et de 1.230.000 mètres cubes en 2020 !
Le “pétrole” étant une énergie fossile dont Albert Jacquard, le célèbre généticien des populations, estime que toutes ses réserves connues seront épuisées d’ici 2030, ce qui va inévitablement en faire, pour les toutes prochaines années, un produit qui s’inscrit dans la rareté donc au coût élevé, on conclut aisément que l’avenir est dans un autre mode de propulsion.
Le nucléaire, le solaire ou toute autre source font sans doute aujourd’hui l’objet d’études, de recherches et d’essais qui pourraient aboutir et changer totalement la nature de nos préoccupations de demain.
C’est sur toutes ces hypothèses, où le moyen et le court terme pourraient n’avoir que peu de points communs avec l’avenir, que reposent les éléments d’un cahier des charges qui, plus que jamais, se révélera nécessairement ambitieux et fait d’humilité.
Car qui peut prétendre savoir de quoi demain sera fait ? Et puis, si un aménagement portuaire devait se révéler indispensable, quelles devraient être ses fonctions, histoire de ne pas oublier que l’aménagement du territoire réunionnais passe par son rééquilibrage et que, dans ce domaine, l’Est a un sacré retard à rattraper.
Dès lors, un port bien plus à l’Est que Sainte-Marie serait-il du luxe ?

R. Lauret


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