Celui qui nous rapprochait en ce mercredi 9 juin avait pour nom Roger Beaulieu…

18 juin 2010

1964… 1970. C’était il y a donc quelque 46 ans et même un peu moins. Nous étions peut-être alors collégiens ou élèves à Saint-Denis dans l’unique lycée de La Réunion, à moins que nous avions déjà rempli nos obligations militaires quelque part en France ou bien en Algérie, ou encore que nous étions en quête d’un premier emploi que nous aurions forcement trouvé puisqu’une telle hypothèse tenait alors la route. C’était le temps où nous avions 18, 20 ou 24 ans et, pour ce qui est du sport, le foot c’était notre passion. Le beau ballon tout en cuir dont nous ne disposions à l’entraînement que d’un exemplaire unique, nous le considérions un peu comme une conquête offerte à l’ambition de toute notre équipe lorsque, le dimanche, nous le disputions à celle d’en face. Nous aurions payé pour jouer. Notre licence, par exemple, c’était notre cotisation. Et s’il nous avait fallu acheter nous mêmes certains de nos équipements, nous n’hésitions pas à nous plier à cette nécessaire donnée de l’époque ! Certains d’entre nous, deux ou trois devrais-je dire, vite une fois qu’ils avaient rangé leurs souliers à crampons, s’essayaient dans la foulée au maniement de la plume, histoire que les journaux de l’époque donnent au public le bonheur de lire le lendemain nos exploits dominicaux à une époque où les journalistes professionnels se comptaient dans notre île sur les doigts d’une main. Je puis témoigner que nos écrits d’alors savaient être objectifs et que nous tenions à élever nos adversaires au haut niveau où, par la force de leurs jarrets ou l’intelligence de leur jeu, ils s’étaient situés contre notre équipe à nous ! Nous faut-il ajouter que nous nous déplacions en bus et que, après l’effort, nous apprécions pleinement la limonade ou parfois la chopine de bière que notre président de club nous payait de sa poche !
C’est dire combien étaient grands le respect et l’amitié qui, parfois, pouvaient nous lier les uns aux autres, surtout quand nous avions été adversaires le temps que, quatre vingt dix minutes durant, nous nous disputions la maîtrise de notre cher ballon et la victoire finale.
C’est sans doute parce que ce noble sentiment ne s’est pas effacé de notre cœur que l’autre mercredi, sur le coup de 14 heures, nous étions sept à nous être donnés rendez-vous sur le parking du magasin Jumbo à Saint-Pierre. «  Nous », c’est tout d’abord le pharmacien retraité et ancien adjoint au maire de Saint-Louis aujourd’hui spécialiste reconnu des plantes médicinales Marc Rivière, ensuite un ancien de la Saint-Louisienne Fortuné Valmy dit "Kalou", c’est aussi le journaliste référence de bien nombre d’entre nous Alex Eyquem ainsi que le toujours actif et ex-CTR Axel Royer, c’est encore celui qui fut un brillant gardien de but, le sympathique Sydney Laverdure, c’est également l’actuel maire de l’Étang Salé Jean Claude Lacouture qui porta en son temps le célèbre maillot vert . Enfin, j’y étais moi aussi, moi qui gardais dans mon jeune âge les buts de la Jeanne d’Arc. Celui qui nous rapproche en ce 9 Juin a pour nom Roger Beaulieu, un ancien de la Saint-Louisienne dont il fut pendant de longues années le capitaine respecté et apprécié. Marc Rivière a été pendant plus de vingt ans président du célèbre club du Sud, Kalou, Jean Claude et Sydney furent des co-équipiers de Roger dans les victoires ou les défaites, Axel le croisa de mille façons sur les stades de l’île et Alex eut, dans les colonnes du "JIR", à décrire ses exploits et à citer en exemple son comportement de sportif. Pour ma part, je n’ai jamais oublié que mon club des mauves perdit en 1964, contre Saint-Louis et face à Roger, Sydney et Kalou, une des demi-finales de la première édition réunionnaise de la Coupe de France qui dura les 90 minutes d’un premier match, puis celles d’un second auquel il fallut rajouter deux prolongations longues de 15 puis de 20 minutes chacune. D’un seul petit…
Roger lutte aujourd’hui contre une grosse maladie. Il le fait avec le même courage et la même lucidité qui le caractérisaient quand, balle au pied ou le regard balayant tout le terrain, il dirigeait son équipe avec l’autorité du vrai chef, une autorité faite de compréhension, du mot qui encourage et de la tape amicale donnée à l’adversaire contre lequel et grâce auquel on vient de se dépasser jusqu’à remporter la victoire.
Notre rencontre de l’autre jour ne peut se raconter. Elle appartient à ceux qui l’ont vécue et en premier lieu à Roger ainsi qu’à son épouse et à ses enfants qui étaient autour de lui. Elle prolongeait les temps de complice amitié que nous avons construits, chacun sous ses couleurs, avec notre part du talent qu’il nous faut apporter au grand chantier de la vie dont nous sommes tous dépositaires d’une infime partie. Que Roger soit remercié pour la fermeté que nous avons tous ressentie dans la poignée de main qui fut la sienne. Qu’il soit remercié pour nous avoir fait revivre les grands moments de nos vies à tous en nous sortant une impressionnante collection de textes et de photos de sa vie de footballeur. De sa vie d’homme tout simplement…

Raymond Lauret,
Québec le 16 juin


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