Ces mots qui sont de lui ...

10 octobre 2007

L’image est émouvante, on n’a nulle peine à la deviner fort belle : tout au bout de la jetée, la grande silhouette du père regarde une chaloupe quitter le port et emmener ses deux fils qui n’ont pas 18 ans prendre leur part d’une guerre mondiale qui affiche le mot « Liberté » comme ambition à sauvegarder, face à celui de « barbarie » comme fatalité qu’il faut combattre...
Nous sommes aux premiers jours de Décembre 1942... « Le Léopard » passe en revue les terres françaises et autres éparpillées ici et là et dont les forces vives veulent se battre elle aussi derrière le Général De Gaulle. « Le Léopard » , depuis le 28 Novembre, mouille au large de notre île... Ce matin, la chaloupe va le rejoindre... Au bout de la jetée, la grande silhouette la voit qui s’éloigne. D’un geste retenu et pudique, le père salue ses deux fils. Inconscients de ce qui peut bien les attendre sur des mers et sur une Europe en guerre totale, ils n’imaginent pas que Raymond Vergès a sans doute alors les yeux embués. Sur la petite chaloupe, ils ne voient que l’immense contre-torpilleur qui va les mener là où le monde se bat, pour ne point mourir sous les bottes d’un fou-dictateur.
La guerre... Il sait ce que c’est, lui, le père médecin qui l’a vécue dedans, au cœur de toute son horreur. C’était celle de 1914-1918. Celle d’aujourd’hui, celle-là mise en scène par Hitler, il le sait, elle est encore plus meurtrière que « l’autre ». Il peut donc légitimement avoir le cœur serré et même quelques larmes qui perlent...
Ce soir-là, l’image est belle, jusqu’à être émouvante. Le témoignage, fait de pudeur et bâti sur le respect admiratif que l’on devine chez le fils, nous fait remonter le temps. C’était ce lundi 8 octobre sur RFO Réunion.
Longtemps encore après que j’avais coupé ma télé, dans le silence du fort sentiment de reconnaissance que j’éprouve pour cet homme que je n’ai pas connu sinon à travers ce que la presse de l’époque pouvait bien laisser dans la conscience d’un gamin de 10 ans des quartiers populeux du Port, j’essayais de comprendre combien l’exemple de Raymond Vergès a pu guider son fils dans, nous dira-t-il, sa quête de temps à consacrer à la réflexion, dans également son impatience maîtrisée devant les problèmes qui ne cessent de se poser au Monde, et encore dans son inévitable foi en l’avenir, malgré tout...
Alors, inévitablement, sous mes yeux, apparaissent ces mots qui jamais ne me quittent l’esprit : « ... le roc de notre patrimoine est taillé dans cette multitude de vertus obscures qui n’ont pas besoin pour s’épanouir de l’appât de récompenses et constituent le plus solide garant de notre redressement... » .
Ces mots, ils sont de Raymond Vergès, en hymne qu’il nous propose de nous approprier pour en faire, qui que nous soyons, un plan de vie et d’engagements...

Raymond Lauret


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