Notre île, quoi que certains puissent croire, traîne un gros déficit en matière de relations avec son environnement géographique et, si vous me permettez l’expression, avec son cadre historique et donc culturel.
Pendant très longtemps, ces relations se sont circonscrites à un tournoi triangulaire de football annuel qui nous limitait à Madagascar et l’Île Maurice. La participation réunionnaise à la Coupe d’Afrique des clubs date d’hier seulement et on ne peut pas dire que nos autorités y sont allées avec enthousiasme. C’est que, très vite, nous nous sommes dit que nous n’étions pas “chez nous” dans ces pays d’un continent dont une partie de notre population est pourtant, de près ou de plus loin, originaire. Nous y allions la crainte au ventre et en revenions soulagés, comme si nous y étions partis risquer nos vies.
Il est vrai que lorsque vous vous assignez quasiment à domicile dans votre hôtel et que vous n’en sortez que pour vous diriger vers le stade, flanqués d’une escorte militaire, que depuis votre chambre, vous entendez à la tombée de la nuit des bruits de fusillade que vous assimilez à celle de la guerre civile dont on vous a dit qu’elle y est hebdomadaire, on préfère aller affronter une équipe métropolitaine, dans un pays dont vous parlez la seule langue que vous connaissez. Et puis là-bas, en terre française de l’hexagone, les tribunes des stades sont majoritairement occupées par des compatriotes à nous tandis qu’en Ouganda, en Afrique du Sud ou à Madagascar, qu’est-ce qu’ils sont chauvins, ces gens qui viennent vous regarder perdre !
La Foire des Mascareignes participe à ces efforts auxquels, dans toutes nos institutions, nous nous sommes attelés ces derniers temps à La Réunion.
À force de rencontrer Roland Ratsiraka, le maire de Tamatave, à force de l’entendre nous dire que ce n’est jamais sans émotion qu’il vient nous rencontrer à La Réunion et dans la ville réunionnaise avec laquelle le grand port malgache dont il est le maire est jumelé, nous finirons par nous dire que nous avons, vis-à-vis des populations de cette grande cité de la Grande Île, un devoir d’amicales relations. Ne serait-ce que parce que beaucoup de nos aïeux en sont originaires et que c’est juste à côté, à moins d’une heure d’avion de chez nous. Et puis aussi, ne serait-ce que parce que 200 euros que nous y dépenserions auraient sur l’économie locale des effets sensibles alors que, là-bas, en Europe, ça ne compterait pas...
J’y pensais ce vendredi 4 novembre en regardant à l’entrée de la Halle des Manifestations du Port, autour du Maire de la cité maritime portoise et de ses conseillers, nos amis de Mada, ceux de Durban et de Chine, de l’Inde aussi, autour des maires de Durban et de Tamatave, autour aussi de l’Ambassadeur d’Afrique du Sud à Paris, du Directeur général de l’Association internationale des villes portuaires, des artistes africains, fiers de se retrouver en aussi belle compagnie dans un pays où ils se disent qu’ils sont accueillis avec chaleur.
J’y pensais ce vendredi : aux 200 euros à dépenser là-bas mais surtout aux trésors sans prix... parce qu’ils n’ont pas de prix... que l’on pourrait y ramener, au fond de notre conscience d’hommes et de femmes qui n’oublient pas d’où ils viennent...

R. Lauret