Ces voix et ces regards qui nous ont dit...

24 novembre 2006

Cela se passait vendredi dernier au Palais de Justice de Saint-Denis. La chose en elle-même est banale. Il y a pire et bien plus grave qu’un gars qui, en état d’ébriété, se retrouve au Tribunal pour avoir jeté une poubelle en plastique sur un brasier déjà allumé, histoire de participer lui aussi à ce petit jeu stupide qui vous fout à mal la répartition d’une ville alors que cette dernière est loin d’être avare d’efforts et d’actions continus en direction de sa jeunesse. Le voilà donc au TGI, en comparution immédiate.

Le gars a 23 ans. Il va prendre 3 mois ferme. La chose, je vous le dis, est des plus banales. Rien à voir avec ce jeune qui a tué son copain un jour de fête d’anniversaire, ou bien avec ce vol de voiture dans laquelle il y a un bébé qu’on laissera sur le bord de la route comme un vulgaire paquet, ou encore ce viol collectif d’une gamine ou bien toujours avec ces scènes qui ont pour théâtres certains coins de France et dont la presse ne manque pas de nous en faire le descriptif, sans doute pour en faciliter l’appropriation pour nos jeunes oisifs qui, J-N Fortier le disait si bien dans le Quotidien de samedi, « oscillent pendant des années entre la fin d’une scolarité échouée, bâclée ou torpillée et le 25ème anniversaire synonyme de perception du RMI... ».

Le gars donc a 23 ans. Aux juges qui lui demandent avec une certaine lassitude et presque paternellement ce qui lui a pris ce soir là, il dira simplement qu’il n’a « pas réfléchi ». A-t-il agi poussé par une quelconque revendication ? « Ben... non... je n’ai pas réfléchi... ». C’est désespérant, affligeant...

Trois mois de prison donc

Trois mois ferme. Est-ce trop ? Est-ce pas assez ? Est-ce juste ? La question devient dérisoire dans une société où les plus vulnérables, se sentant exclus du festin de la consommation facile, échappent aux règles les plus élémentaires et ne craignent plus d’avoir à avouer qu’ils n’avaient pas de revendication particulière et qu’ils n’avaient « pas réfléchi ».

Trois mois fermes. C’était vendredi dernier. Le verdict des juges tombait. C’était à pleurer.

Le lendemain, un tout autre jour. Le Parc boisé du Port et Pass’Port accueillent plusieurs centaines de jeunes des quartiers, venus dire, témoigner, crier qu’ils sont dans « l’initiative, la citoyenneté, le savoir-faire ». Pleinement dedans.

Je remercierai jamais assez la télévision de s’y être déplacée. Ma bonne ville du Port avait bien besoin que les messages de travail et d’espoir, de refus de la violence sous toutes ses formes, soient délivrés à l’opinion réunionnaise toute entière par ces voix et ces regards qui nous ont dit que notre jeunesse vaut bien qu’on ne cesse jamais de miser sur elle.

Raymond Lauret


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus