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par le Dr Raymond Vergès

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D’où vient-il qu’à 15 ans... ?

lundi 21 mars 2005

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Comme beaucoup d’entre vous sans doute, j’ai été bouleversé par la dignité qu’ont montrée les membres de la famille du jeune Éric Henry, dont la disparition et la mort en 2001 viennent d’être élucidées par les enquêteurs de la Police. De la dignité, dans une douleur maîtrisée, qui restitue à ce drame toute sa terrible dimension, par-delà ce qu’ont ressenti et vécu ceux qui, pendant quatre ans, ont cru, ont espéré et qui, au fil des jours et des semaines qui passaient, ont attendu que vienne une explication qui confirme l’inéluctable.
Le crime crapuleux, sans raison, et que, la plupart du temps, ne peuvent expliquer ceux qui l’ont commis lorsque, inévitablement, le temps est venu pour eux de répondre devant la société et devant ce qui a survécu malgré la peine, l’incompréhension et le désir que justice soit réellement rendue, le crime crapuleux ne date pas seulement de nos temps d’aujourd’hui.
Dans le “JIR” de ce dimanche, Lilian Reilhac, à partir des archives des tribunaux de Saint-Denis et de Saint-Pierre, souligne que notre île, depuis qu’elle abrite la civilisation humaine, a élevé les crimes de sang au rang de témoins de notre Histoire.
Le nouveau procureur général Raymond Doumas ne disait-il pas être "frappé par l’importance des atteintes aux personnes..." qui caractérise l’élément judiciaire à La Réunion ? Il n’est que de parcourir les pages des faits divers de nos journaux, de se rappeler la mutilation de Johnny Catherine le 26 décembre dernier, en plein jour à Saint-François sur les hauteurs de Saint-Denis, pour mesurer l’effroyable dimension de cette réalité.
Comment se peut-il que quatre ou cinq jeunes de 16 ou 17 ans à peine, puissent frapper jusqu’à tuer un autre jeune sans que pas un seul, à ce moment, ne s’interpose alors qu’il en est encore temps ? Comment se peut-il que deux d’entre eux rentrent alors chez leurs parents, torturés par ce à quoi ils viennent de participer, pour se retrancher dans une conscience qui les accable au point qu’ils n’en survivront pas longtemps ?
Comment se peut-il qu’à 15 ans, on soit capable de prendre un corps, de le hisser dans le coffre d’une voiture, d’aller chercher la corde et la pierre qui permettront de faire disparaître la preuve qui accuserait, qui accusera et qui, déjà, accuse ?
Où donc notre société apprend-elle ainsi à voir que l’on peut procéder de la sorte ? Où donc voit-on ces scènes mises en pièce pour expliquer que notre société est ainsi faite et que tuer, jeter le corps, le brûler et s’en éloigner à l’allure de celui qui peut se dire, qu’après tout, il est sûrement plus malin et intouchable que ceux dont on lui explique, dans les mêmes scènes mises en pièce, qu’ils se sont faits bêtement prendre...
Oui, où donc nous offre-t-on ces scènes qui nous apprennent à voir que l’on peut ainsi se comporter ?
Si la démission des parents telle qu’on la voit dans bien des cas repose sur le mal-être social qui terrasse notre époque à l’heure même où cette époque développe à une allure exponentielle la consommation du superflu, comment ne pas montrer du doigt les images qui font aujourd’hui notre univers à tous ? Qu’il s’agisse des films interdits aux moins de douze ans... qu’il s’agisse de la fête des mères qui passe désormais, et forcément, par la boutique de luxe si on ne veut pas qu’elle ne soit - quelle horreur ! - qu’un hommage à l’authentique !

R. Lauret


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