Dans la petite église de Saint-François

29 décembre 2004

(Page 2)

Que faire ?
Que faire lorsque vous avez mal à votre pays, lorsque tout semble vouloir aller dans tous les sens pour déboucher sur du chaos, c’est-à-dire le néant du jour d’après ?
Ce mardi, je me la posais cette question. Oui, que faire quand vous vous découvrez impuissant devant ce que, dans les colonnes du “Quotidien”, le docteur Thierry Michaud-Nérard, psychiatre et criminologue, appelle "un orage psychomoteur" dans ce geste de "violences sacrificielles" ?
Ce mardi, comme d’autres qui doivent se poser la même question, sur le coup de 13h30, j’ai tout laissé pour rejoindre la petite église de Saint-François, derrière le long quartier résidentiel chic du lieu-dit, là où on trouve la misère, le chômage, la télé et les G.S.M., sans doute de la dignité aussi. Là où, dimanche, notre île a viré aux couleurs de l’horreur.
J’avais envie de dire au Maître de nos consciences qu’il y a quelque chose à faire, beaucoup de choses à dire, des mots à entendre, une démarche à trouver ; j’avais envie de lui dire que ça ne va plus, sur notre Terre, avec les forêts qu’on détruit, la couche d’ozone qu’on malmène, les océans qui se déchaînent, le commerce qui déraille, la vitesse qui tue, les enfants qui se querellent souvent jusqu’à s’entretuer.
J’avais envie de participer à une communion d’hommes et de femmes qui, devant le cercueil de Johnny Catherine, penseraient, dans le silence d’un lieu de recueillement, que l’image que nous donnons de l’être humain n’est plus la bonne à force de ne plus vouloir être la meilleure.
Et il y eut le prêtre, admirable dans la simplicité et toute l’humanité d’une homélie qui se voulait réconciliation dans le respect de tous nos caractères tellement différents.
Et il y eut surtout ce jeune, blouson de cuir noir et bandeau jaune autour de la tête, tenue qui n’est plus incongrue pour un lieu saint, depuis que Guy Gilbert est le prêtre des loubards. Ce jeune, planté derrière le micro, devant l’autel de la sainte église, aura un discours tonique, plein de sagesse, de révolte positive contre tout ce qui nous dénature avec leur modernité qui s’importe chez nous et nous impose leur culture de la consommation pas chère. Il y eut ce jeune, appelant à ne plus chercher à être le plus fort et qui osa dire qu’ici, "dans cette église, comme dans toutes les églises, nous sommes tous réconciliés".
Puissent les circonstances affreuses, qui valent à Johnny Catherine d’être mort et à d’autres personnes d’être en prison, inciter chacun d’entre nous à modérer nos impulsions et à toujours nous souvenir que le drame dans lequel nous plongeons ceux qui survivent à nos violences sacrificielles - quelles qu’elles soient, sur la route, dans nos rivalités, face au litre d’alcool, dans nos propos - est difficile à assumer.
C’est ce que, en s’excusant de vouloir la chanter, la leçon qu’un jeune de la famille de Johnny a voulu retenir.
Cela valait bien des applaudissements...

R. Lauret


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