De l’apprentissage ou du travail Manuel...

7 septembre 2006

À l’heure où se pose le débat de l’apprentissage à partir de 14 ans, se posera encore longtemps le problème de la dévalorisation de l’image du travail manuel.
Pour trop de parents et trop d’enfants, on prépare un bac S parce qu’on est intelligent et un CAP parce qu’on est cancre.
Dans ma Normandie natale, mon menuisier de père me disait : "chi t’apprends ri, tu chras cantoni. Chi t’apprends bi, tu pourrais bi marieu une institutrice. * "
Eh oui, il y a une noblesse dans la manufacture.
L’ébénisterie est la bourgeoisie des métiers du bois, comme les tailleurs de pierre ou les maîtres verriers sont l’aristocratie des corporations, qui mettent à pied d’égalité l’activité cérébrale et l’activité manuelle.
Lorsque Malraux relance le concours des Meilleurs Ouvriers de France, c’est dans cet objectif de revalorisation égalitaire, en affirmant que "le concours est à l’artisanat ce que l’académie est au intellectuels."
Il en va ainsi des métiers comme des centres de formation.
Apprendre la bijouterie au LEP du Port n’a pas la même résonance que d’apprendre cette même profession à la prestigieuse ÉCOLE BOULE, et nul doute que le futur Institut Régional des Métiers d’Art sera sociologiquement plus attractif que l’actuel CFA de l’Ouest.
Il ne faut pas obérer ce problème d’image, car il est bien souvent caché au fond des décisions d’orientation.
Le représentant national d’un syndicat d’éducation disait, il y a quelques jours sur France Inter, que la voie d’apprentissage n’était pas la panacée, car elle n’offrait que 75% de taux d’insertion dans l’emploi marchand.
Ben voyons, quel échec !?!
Qu’en pensent les chômeurs diplômés de Sciences Po, les 30% de jeunes médecins au SMIC et les Bacs +6 demandeurs d’emploi ?
Il vaut mieux aujourd’hui avoir un fils qui veut être plombier plutôt que d’être en première année de psycho. (A propos de plombier, ami artisan, si tu lis cette page, je t’attends toujours...)
Avoir écarté l’enseignement manuel des cursus du second degré n’a fait qu’alimenter cette distorsion d’image et a ôté aux élèves toutes possibilités d’être sensibilisés, formés et évalués dans ce domaine.
Un collégien sait ce qu’il vaut en français ou en maths, un lycéen sait même s’il est bon musique ou en sport, mais qu’en est-il de leurs aptitudes manuelles ?
S’il ne connaît ni ce domaine ni son talent potentiel, pourquoi un jeune choisirait la voie épanouissante du secteur des métiers ?
Les quadragénaires de ma génération se souviennent des cours de travaux manuels et de technologie au collège. Après avoir était amputés de l’enseignement initial, ces formations en sont devenues les honteuses prothèses.
L’apprentissage à partir de l’âge de 14 ans est une fausse question. Réintroduire une nouvelle discipline serait plutôt une vraie réponse, tout aussi intelligente que l’appréciation de la vie scolaire qui a fait son apparition cette dernière rentrée.
Il semble urgent que ce volet de l’expression et de l’activité humaine retrouve sa juste place dans le carnet de note de nos enfants pour que la main prolonge l’idée, et que l’artisan épouse l’institutrice ?

Emmanuel Lemagnen

Si t’apprends rien, tu seras cantonnier, si tu apprends bien, tu pourrais même épouser une institutrice - Patois Bas Normand


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année

La pès kabo

5 juillet, par Christian Fontaine

Kan i ariv Novanm-Désanm-Zanvié, domoun i réziste pi ek la salèr. Zène-zan i mars dann somin, zène-fi i roul an dékolté ; sétaki i rod in manir po (…)


+ Lus