De Paul Vergès à Thierry Robert...

22 novembre 2004

(Page 2)

J’étais - comme beaucoup d’entre vous sans doute - encore sous le coup du soporifique France - Pologne de mercredi dernier, vous vous rappelez, ce match de fouteballe à faire dormir les plus excités dans leur fauteuil et que la justice sportive a sanctionné d’un double zéro ! Et puis, dans un réflexe de solidarité vis à vis de nos jeunes compatriotes qui, loin là-bas, dans le froid de la Franche-Comté, avaient l’honneur redoutable de résister à la horde professionnalisée des footballeurs blessés de Besançon, je choisis, en même temps que les supporteurs dionysiens qui, eux, se nourrissaient secrètement d’une petite idée un peu fofolle derrière la tête, de m’installer ce samedi à 18 heures devant mon poste de télé.
Je ne suis pas, loin s’en faut et autant que chacun de vous, un spécialiste de football, de ses dessous techniques et des données tactiques qu’il développe. Tout au plus, je partage l’avis de Paul Vergès dont Brigitte Croisier dit, dans le livre “D’une île au monde” (page 10), que sa patience historique s’assimile à un "art semblable à celui du joueur de football qui, d’un seul regard, saisit les multiples combinaisons possibles et leurs conséquences prévisibles, en choisit une et... gagne. Œuvre d’art éphémère, certes, mais création de l’intelligence". Vous devriez lire...

Que je vous le dise tout de suite et deux heures seulement après ce qui fut pour moi quatre vingt dix minutes de vrai bonheur : je ne me suis pas ennuyé. J’ai même, à 58 ans bien sonnés, retrouvé ce plaisir que je vivais quand, à l’âge de 14 ans, sur la place de l’église Sainte-Jeanne d’Arc du Port, avec les Liestal, Dubourg, Courtois, Marivan, Ahmed, Ah Sou, Thiébault, Fessin ou autres Alméry et Courteaud, nous nous révélions Remetter, Jonquet, Penverne, Jacquet, Vignal ou Kopa devant les badauds qui venaient nous applaudir et au milieu desquels, inquiets mais fiers, nos papas et parfois nos mamans se glissaient pour nous voir à l’œuvre...

Ce samedi, j’ai aimé la vivacité des footballeurs du Saint-Denis Football Club, leur volonté farouche de se battre et de montrer qu’ils étaient venus là pour donner, jusqu’à l’ultime seconde, une réplique sans temps mort ni calcul.
J’ai aimé qu’à aucun moment ils n’aient baissé les bras, qu’ils aient disputé chaque ballon et qu’ils se soient jetés sur la moindre occasion qu’ils avaient pour porter l’attaque rude et soudaine à un adversaire qui se sentait plus fort mais qui a compris qu’on exigeait de lui qu’il ne triomphe pas de manière insultante.
J’ai aimé que, même menés, mêmes distancés, ils procèdent par touches vives et maîtrisées pour progresser jusqu’aux 16 mètres adverses, fonçant au centre, débordant par les ailes, centrant comme il faut, avec (l’avez-vous, vous aussi, noté ?) une fraîcheur qui était à l’image de l’esprit offensif qui ne leur a jamais fait défaut. Oui, je l’ai sentie, je l’ai aimée, cette fougue généreuse. Et vous ?

Ceux qui me soupçonneraient d’enthousiasme facile, je les renvoie à Mickaël Gourville. Interviewé à la fin de la rencontre par une jeune femme qui insistait lourdement pour lui faire dire qu’il avait manqué quelque chose au onze dionysien, le meneur de jeu du SDFC soulignait avec calme et lucidité que ses coéquipiers s’étaient magnifiquement battus et qu’ils avaient été à la hauteur d’un adversaire qui a gagné parce qu’il maîtrise parfaitement l’art de tirer les coups de pied arrêtés.
Je les renvoie aussi à Thierry Robert qui, quelques instants avant, avait eu exactement la même analyse. Un Thierry Robert que je suis heureux de saluer dans sa réussite de coach après qu’il eut, sur le terrain comme joueur, montré qu’il était déjà un grand Monsieur, par le talent et par l’état d’esprit.
Oublions ce penalty, sans doute justifié au regard des lois du jeu mais injuste au regard de la morale du sport. Et retenons que Saint-Denis, si ses joueurs ont perdu un match, a gagné une belle bataille. Les footballeurs dionysiens ont contribué à redonner le sourire à tous ceux qui, là-bas à Besançon, n’avaient pas aussi bien joué depuis, dit-on, fort longtemps.
Et pour bien jouer, il faut être deux, d’égale valeur. Le reste, la petite différence qui, justement, fait la différence, n’a pas grande importance, tant il est vrai que "le provisoire c’est l’inévitable et que le définitif, c’est les leçons de l’inévitable".
À toi donc de continuer, Thierry...

R. Lauret


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